De nos jours de nombreuses publications concernant la Maconnerie sont du
domaine publique. N'importe qui a accès à la litterature internationnale et qui
est aussi d'un caractère curieux peut très facilement se renseigner sur le
céremonial, la structure et les ideaux de notre Ordre. La plethore des
publications concernant la Maçonnerie comprend toute sorte d'opinion
quelques fois fantasistes, mais aussi des informations bien précises et
véridiques concernant le rituel la décoration de la Loge et aussi le cérémonial.
Le caractère de société secrête attribué à la maçonnerie et le fait qu'elle fut
associée à la formation des idées modernes de liberté, de tolérance et
d'humanisme a attiré de nombreux auteurs du debut de notre siecle à essayer
de comprendre la réalite inhérente à la maçonnerie malgré qu'ils n'en faisaient
pas partie. Les auteurs de bonne foie et sans arrière pensée considérairent que
la maçonnerie est une association aux idées progressistes parmi tant d'autres.
Ils utilisairent l'occasion pour decrire la maçonnerie quand l'un des
protagonistes du roman recherche le besoin de s'affilier à une association qui
l'aiderait à developper ses idées progressistes et humanitaires.
Dans cet ordre d'idée il faut mentionner "La Guerre et la Paix" de Tolstoi, où
Pierre, aristoctrate aux idées progressistes, est initié à la maçonnerie et
exprime ses impressions d'initiation. Un autre exemple est "Les Hommes de
Bonne Volonté" de Jules Romain, où Jerphanion, jeune Normalien, est à la
recherche d'un idéal humanitaire pendant les années qui précedent la Première
Guerre Mondiale. Afin de décider à quel mouvement ou idéal il devrait
s'affilier, il s'informe auprès de personnages qu'il respecte au sujet des
tendences alors à l'ordre du jour, soit la religion, le socialisme et la
maçonnerie.
Afin de comprendre comment la maçonnerie était considerée en France dans
les années qui précédaient la Premiere Guerre, expliquee par le truchement
d'un auteur de l'envergure de Jules Romain qui n'était pas maçon, il faut
s'attarder sur les deux opinions contradictoires mais lucides, exprimées dans
le roman par deux maçons hypotetiques. Il faut aussi mentionner que le sujet
est toujours d'actualité considérant la perplexité de certains frères à la suite de
leur inition.
Les deux passages qui suivent font partie du 7ieme volume des "Hommes de
Bonne Volonté" intitulé "Recherche d'une Eglise".
Le premier Maçon raconte:
" Oui, je les ai plaqué! Je n'ai pas démissionnné, j'ai cessé d'y aller. Et puis
voilà, je me considère comme entierement libre. Remarquez, je ne les débine
pas en public. Voyez, je suis resté deux ans à peu près et j'ai été assidu un an,
dix huit mois. Oh! dès le début j'ai senti que ce n'était pas mon affaire. Mais
vous savez, on est bête. On se croit déja trop engagé pour reculer. On se dit:
"Il y a des détails que je trouve grotesque, des binettes qui me répugnent, une
atmosphère qui ne me convient pas. Mais je m'habituerai." C'est le tort qu'on
a.
J'ai toujours eu la passion des idées. Mais j'entends penser par moi même,
avac mes bouquins.
Une fois la dedans presque tout m'a déplu. D'abord le lieu où nous nous
réunissons; c'est ce qu'ils appellent le Temple. Comment est-ce fait ce
Temple? Eh bien c'est moche. Voilà les quatres murs. Là c'est ce qu'ils
appellent l'Orient. C'est surélevé, un peu en demi cercle. Il y a des marches et
une balustrade. Vous avez là le trone du Vénérable. De chaque côté de
l'entrée deux colonnes, bien grosses, bronzées avec un truc de lumière qui les
eclaire du dedans quand on veut. Vous avez tout le temps des trucs comme
ça. Ils adorent ça. Il y a chez eux une part énorme de théatre pour gosses.
C'est une des choses qui m'ont tout de suite tapé sur les nerfs.
Attendez, d'abord on ne dit pas une séance, on dit une tenue. Non, ils ne
s'assoient pas comme vous croyez, ce serait trop simple. De chaque côté en
long vous avez des banquettes. Au milieu ça reste vide; sauf le tableau de la
Loge. Horizontal comme ça. C'est de la toile peinte. Il parait qu'ailleurs c'est
une espèce de tableau noir avec des figures à la craie, comme dans les écoles.
Les banquettes de ce côté-ci, ils appellent ça la colonne du Midi ou du Sud;
c'est symbolique; ne pas confondre avec les autres colonnes, les vraies. En
face ça s'appelle les colonnes du Nord.
Tout est tellement compliqué! Il y a un tas de trucs que vous devez avoir dans
la tête si vous voulez être bon Maçon: les lettres sur les colonnes, les
inscriptions, les emblèmes. Il ne s'agit pas non plus de confondre les signes.
Tout à coup vous vous dites: ce frère avec cette chose qui lui pend là est-ce
que ce n'est pas le Grand Expert? Ah non! Le grand Expert c'est celui qui a la
regle et la glaive. Celui-ci se contente d'un fil à plomb; donc c'est le second
Surveillant. Et tout le temps comme ça.
Ils ne savent rien faire naturellement, ni appeler les choses par leur nom.
Vous vous figurez peut-être qu'avant d'ouvrir la séance le Venerable dit tout
simplement, comme ferait un president n'importe où: "Allez voir si la porte est
fermée." Peuh! Il prend sa voix la plus caverneuse: "Frere Premier Surveillant,
quel est le premier devoir des Surveillants en Loge?" Et tout le monde est
debout, pendant ce temps là, hein? au garde à vous. L'autre repond:
"Venerable c'est de voir si tous les Frères qui occupent les colonnes sont
Maçons." Alors le Grand Expert va faire le jaques dans les couloirs, les
Surveillants passent le long des colonnes et les inspectent d'un oeil torve.
Vous voyez, on dirait des enfants qui jouent au voleur! Tout est dans le même
jus."
Ce récit continue dans le même ton ironique, par la description des lieux, de
l'initiation et autres cérémonies. Jerphanion non convaincu de cet entretien
s'adresse à un autre Frère qui lui expose ses sentiments envers la Maçonnerie
comme suit:
"Tous les rites de la Maçonnerie tournent autour de l'idée de construction.
Voila! Si vous avez compris celà, vous avez tout compris.
Tous les details de costume et de cérémonie qu'on vous a rapportés et qui
vous ont peut-etre fait sourire, toutes les particularités de langage, les
formules employées, les noms de grades, la décoration des salles et ainsi de
suite pour le cérémonial, vous comprenez, tout cela forme une espèce de
drame religieux, au sens où l'entendent les anciens, et c'est le drame de la
construction, de même manière que la Messe est le drame du sacrifice. Un
curé qui sent le tabac et qui chante faux, avec des enfants de coeur crottés,
peut dire la messe dans une grange; ce n'est pas ça qui change le fond de la
chose. Un autre caractère du drame sacré c'est sa repetition. On répéte
inlassablement la représentation du même mystère.
Si vous tachez de regarder d'un oeil frais le mouvement de l'humanité depuis
deux, trois et même quatres siécles, est-ce que vous n'êtes pas frappé de ce
qu'il y a tout de même de nouveau? Nous n'y faisons pas attention parceque
nous y sommes habitués, et aussi parceque nous sommes encore plongés
dedans. L'usure de certains mots, de certaines formules contribuent à nous
rendre indifferents, distraits. Le mot progrès par exemple.... ou des mots
comme liberté, émancipation, démocratie, fraternité humaine... Je vous assure
que si on réussissait à voir de très haut ce mouvement d'ensemble depuis la
fin du Moyen Age, sans l'aide d'aucune amplification oratoire, on serait
étonné et on aurait une grande émotion... Si vous sentez celà, vous sentez ce
que les Maçons appellent la construction du Temple. Je ne dit pas que tout le
travail déja fait pour l'humanité dans ce sens soit fait par les Maçons, mais ils
n'ont été jamais absents.
Nous parlions des rites maçonniques. Eh bien, ils ne se contentent pas de
représenter symboliquement la construction du Temple. On peut y voir encore
une sorte de technique de l'unité mystique; un éxercise de communion qui a
des vertus d'apprentissage, mais aussi des vertus de rayonnement, des vertus
formatrices. Nous croyons à une contagion de l'Unité et notre but ultime est
de l'atteindre par un apprentissage constant."
Mes Frères! Tachons de bien considérer les deux textes susmentionnées.
Malheureusement nous constatons que de nombreux neophytes suivent
l'exemple du premier Frère et sont perdus à jamais pour la Maçonnerie. Est-ce
un peu de notre faute si nous n'avons pas pu montrer la direction de la vraie
lumière aux nouveaux initiés pour qu'ils puissent se retourner vers elle et
oeuvrer alors pour la construction du Temple? Nous éviterions aussi de poser
un cas de conscience au néophyte face à son serment lors de son initiation si
il décide de ne plus suivre nos travaux et manier nos outils.
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