Introduction
L’histoire très lacunaire de la
FM aux XVIIe et XVIIIe siècles suggère que la légende
d’Hiram aurait été introduite dans le rituel aux environs de 1730. Cela ne
signifie pas pour autant qu’elle fût inventée de toutes pièces à ce
moment-là. Cependant, le fait qu’un texte maçonnique de 1726 (manuscrit
Graham) décrive le redressement du corps de Noé par ses trois fils au moyen de
cinq points, à la recherche d’un secret lié à une révélation divine,
incite à voir dans la légende d’Hiram une refonte réalisée par
substitution et juxtaposition de plusieurs récits, dont une partie au moins
provient de la tradition maçonnique. Cela dit, si les noms des protagonistes de
la légende sont inspirés de la tradition juive, son scénario n’a pas d’équivalent
dans les textes bibliques et son origine reste une énigme.
Lorsque l’on compare les différents
Rites de la FM, on s’aperçoit que le déroulement et le contenu des rites
d’initiation et de promotion varient beaucoup d’un système à l’autre
(1). En revanche, le rite d’élévation est toujours centré sur la mise en scène
de la mort et du relèvement d’Hiram, dont le scénario varie peu. Cette
constance confère à la légende d’Hiram une place privilégiée et en fait
un mythe fondateur de la FM « spéculative ».
À la suite de mon élévation à la
maîtrise, en réfléchissant au déroulement de la Tenue, j’ai été
impressionné par l’étendue des similitudes entre notre rite d’élévation
et une initiation tantrique à laquelle j’avais pris part cinq ans plus tôt.
Sans préjuger d’une relation directe entre les deux traditions, relation qui
me paraît d’ailleurs improbable, j’ai entrepris une analyse détaillée de
cette ressemblance. Qu’on ne voie pas là un simple engouement motivé par
l’exotisme. La tradition tantrique du bouddhisme tibétain, ou Vajrayana,
est d’un abord difficile. Comme la FM, c’est une gnose qui se transmet
uniquement par initiation, au sein de plusieurs écoles et par la voie de différents
rites pouvant comprendre plusieurs degrés. Qu’il soit bouddhique ou hindou,
le tantrisme a ceci de remarquable qu’il constitue une tradition écrite,
ininterrompue depuis plus d’un millénaire et aujourd’hui encore bien
vivante. La société indienne a en effet toujours maintenu une diversité
culturelle et religieuse extraordinaire, alors qu’en Occident la plupart des
anciennes traditions spirituelles ont été brisées par le totalitarisme de la
religion officielle qui n’a laissé subsister que les initiations de métier.
L’étude des analogies étant une
méthode appropriée à l’interprétation des symboles et des mythes, il m’a
paru légitime d’utiliser les connaissances accessibles sur l’une des plus
anciennes et des plus riches traditions initiatiques pour tenter de mieux
comprendre le sens profond de notre rituel d’élévation.
Une initiation tantrique
L’initiation
tantrique est transmise par un maître à un ou plusieurs disciples, sur la base
d’un rituel consigné dans un livre nommé « tantra » (références 2
et 3). L’initiation, qui peut durer plusieurs jours, est centrée sur une série
de visualisations complexes que le disciple doit être capable de réaliser lors
de ses méditations. Elle débute par une purification du corps, de la parole et
de l’esprit, le maître touchant de son vajra
(instrument symbolisant la connaissance) le cœur, la gorge et le front de l’étudiant.
Ce dernier doit ensuite exécuter mentalement plusieurs voyages dans un
palais-labyrinthe, suivant un chemin qui lui est communiqué par le maître. Le
palais est une image du temple intérieur. Les voyages sont marqués par des
rencontres, purement mentales, avec des personnages (gardiens des portes,
divinités) que le disciple doit reconnaître à leur couleur, aux gestes qu’ils
accomplissent (mudra) et aux objets du rituel qu’ils portent.
Progressant de l’enceinte extérieure
vers la partie centrale du palais, le disciple est appelé, à chaque rencontre,
à revêtir mentalement la forme et les qualités de la divinité particulière,
tout en prononçant une formule (mantra) qui lui est communiquée par le maître.
Lorsqu’il atteint le centre du palais, le disciple se trouve en présence
d’une représentation de l’Unité primordiale, parfaite et indifférenciée.
S’il est capable de s’y identifier totalement, l’initié connaît alors
l’illumination, but suprême de tout bouddhiste, et s’élève instantanément
à un niveau de réalité supérieur. On s’en doute, la réalisation de l’illumination
n’est pas chose aisée, et la pratique du rituel n’est qu’une préparation
à un événement qui nécessite un long travail de transformation intérieure.
Il faut se garder de prendre la forme pour le fond. Initier, c’est donc
transmettre au disciple le plan du palais, les détails du cheminement et les clés
des différentes portes.
Le plan du palais-labyrinthe est
souvent matérialisé sous la forme d’un tableau, le mandala, qui aide l’initié
à visualiser ses voyages et les divinités auxquelles il doit s’identifier[1].
Si le contenu du mandala change beaucoup en fonction du rite qu’il illustre,
sa structure géométrique varie très peu. Elle consiste en une série de carrés
et de cercles, emboîtés les uns dans les autres et concentriques, représentant
le plan d’un palais entouré d’un cercle de cimetières, d’un cercle de
diamants et d’un cercle de feu. Le centre géométrique est occupé par une évocation
de l’Unité primordiale, appelée aussi Bouddha primordial, Corps de Vérité,
Claire Lumière ou Conscience lumineuse. C’est le stade le plus élevé, un état
indifférencié qui ne peut être représenté et qui se situe en fait hors du
plan, au-dessus du centre du mandala. De cette Unité, qui contient tout, émanent
cinq rayons qui vont générer des classes de divinités d’autant plus
nombreuses qu’elles seront plus éloignées du centre. Il s’agit d’une
représentation de la création du monde par différenciation et fragmentation,
produisant autant de voiles qui séparent l’esprit humain de la contemplation
de la Vérité.
Le premier niveau de différenciation,
encore très proche du centre, contient cinq Dhyani-bouddhas,
« divinités » qui symbolisent entre autres les cinq éléments, les
cinq sens, les cinq passions et les cinq sagesses. En se déplaçant vers la périphérie,
on finit par atteindre les portes, sur lesquelles veillent des gardiens à l’aspect
terrifiant. Le palais représentant le domaine de la conscience, en sortir équivaut
à plonger dans le monde chaotique de l’inconscient et tomber à la merci de
ses démons (2). C’est pour cette raison que le palais est encore protégé
par trois cercles, dont le plus extérieur symbolise le feu de la connaissance,
qui détruit l’ignorance.
Cette présentation d’une
initiation tantrique est, par nécessité, très résumée. La cérémonie, qui
peut comprendre plusieurs degrés et durer plusieurs jours, est beaucoup plus
riche et plus complexe. Je n’en ai retenu ici que les éléments nécessaires
à la comparaison avec notre rite d’élévation.
Interprétation de la légende
d’Hiram
Relatée simplement, en dehors du
contexte de l’élévation à la maîtrise, la légende d’Hiram ne semble pas
pouvoir prêter à de grands développements. En revanche, lorsqu’elle est
mise en scène dans le cadre du rite, elle se superpose au parcours du Compagnon
en train de vivre la dernière phase de son initiation et acquiert par là une
complexité remarquable. Il est en effet essentiel de réaliser que le rite d’élévation
ne comprend pas une histoire, mais deux histoires dont les trajectoires sont
tour à tour parallèles, confondues, puis divergentes. La légende est en effet
racontée au futur maître, qui n’est appelé à prendre la place d’Hiram
qu’à certains moments précis et d’une manière symbolique.
Le texte qui sert de base à cette
interprétation est le rituel de mon Atelier, la L\
Liberté à l’Or\
de Lausanne (rite dérivé du système de Schrœder, avec quelques modifications).
Au cours de la première scène,
Hiram, qui s’est recueilli dans le Temple, s’apprête à en sortir. Mais
trois compagnons gardent les portes du Midi, de l’Occident et de l’Orient,
et exigent de l’architecte qu’il leur livre le mot de maître. Devant son
refus, ils le frappent à l’aide de leurs outils, au cou, au cœur et au
front, le blessant à mort.
Les trois mauvais compagnons
symbolisent évidemment les poisons que sont l’ignorance, la colère, l’orgueil,
la convoitise et la jalousie. Je m’attarderai un peu sur l’ignorance, qui mérite
quelques explications. Ayant le grade de Compagnon, les conjurés ont
probablement de bonnes connaissances de leur métier. Mais il leur manque la
connaissance du Maître, et ils essaient de l’obtenir frauduleusement. On voit
ici que la connaissance incomplète peut être pire que l’ignorance, lorsqu’elle
cherche à usurper un degré dont elle n’a pas encore acquis le « contenu ».
C’est le problème classique de la confusion entre la forme et le fond :
se revêtir de la dignité d’un grade, dont on n’a pas une connaissance vécue
de l’intérieur, ne peut avoir que des conséquences catastrophiques sur l’évolution
morale et spirituelle de l’individu.
Le futur maître, à qui on relate
le meurtre, ne se trouve pas dans la situation d’Hiram. Il n’a pas à
affronter des confrères jaloux, mais les Surveillants et le Maître en Chaire
qui, successivement, le « touchent doucement » ou le « frappent
légèrement » (selon le rituel) à la gorge, au cœur et au front. Au
troisième contact, le Compagnon est renversé et étendu au centre du Temple,
sur le pavé mosaïque. Il est recouvert d’un linceul. A ce moment précis,
l’identification du futur maître à l’architecte assassiné est presque
parfaite, et les deux histoires semblent se rejoindre.
Il peut être intéressant de lire
cette scène en utilisant la grille fournie par l’initiation tantrique. Les
trois premiers Officiers de la Loge deviennent les gardiens des portes. Ils
« reconnaissent » le candidat en lui imposant trois outils du rituel,
au niveau du cou (signe d’Apprenti), du cœur (signe de Compagnon) et enfin du
front, comme le maître tantrique purifie le corps, la parole et l’esprit du
disciple en lui imposant le vajra sur
le cœur, la gorge et le front. Cette reconnaissance symbolique des qualités maçonniques
du futur maître, attestant qu’il a passé l’épreuve avec succès (il a
refusé de trahir son serment), lui donne l’accès à un lieu privilégié du
Temple, à son centre géométrique qui, en dehors de cette occasion, n’est
jamais foulé. Le pavé mosaïque, comme un espace sacré dans d’autres
traditions spirituelles, est toujours respecté et contourné par une
circumambulation.
On ne peut s’empêcher de voir là
une autre analogie avec le rituel tantrique, dont l’objet est de faire passer
l’adepte de l’état de fragmentation propre au monde des phénomènes à
celui de complétude caractérisant l’Unité primordiale, lieu de réconciliation
des contraires. En d’autres termes, on cherche à rassembler ce qui est épars.
Cette transformation est symbolisée par le déplacement de la périphérie vers
le centre du cercle : plus on s’approche du centre, plus les éléments,
même opposés, se rapprochent les uns des autres.
Enfin, je mentionnerai une troisième
analogie. Lors de l’initiation tantrique, l’adepte se visualise sous la
forme d’un Bouddha et tente ainsi d’en assimiler les qualités. De la même
manière, le futur maître s’identifie à Hiram. En effet, l’excellent
architecte, le maître qui a réalisé l’œuvre parfaite, réunit toutes les
qualités spirituelles, intellectuelles et morales. Il constitue le modèle d’accomplissement
vers lequel tout Franc-Maçon devrait tendre.
Lors de la deuxième scène, les
compagnons félons dissimulent le corps d’Hiram puis, à la nuit tombée, le
transportent sur une montagne voisine et l’enterrent, marquant sa tombe d’un
rameau d’acacia. Le futur maître, lui, reste étendu sur le pavé mosaïque,
et se contente d’écouter le récit des événements. Le passage par l’élément
terre me paraît évoquer le cycle vital, comme la graine que l’on enterre
pour permettre à la végétation de renaître lorsque les jours recommenceront
à croître.
Dans la troisième scène, Salomon,
qui a appris la disparition d’Hiram, envoie neuf maîtres à la recherche du
corps, afin que celui-ci soit inhumé dans le Temple. Les neuf maîtres, nous
dit le récit, parcourent en vain toute la contrée. Alors qu’ils désespèrent
de retrouver le corps de l’architecte, ils repèrent un rameau d’acacia
planté dans une terre fraîchement remuée. Ils découvrent le cadavre qui est
déjà en putréfaction. Deux d’entre eux cherchent à le relever par les
attouchements d’Apprenti et de Compagnon, mais le cadavre se disloque. Le
troisième saisit alors le corps par les cinq points parfaits de la maîtrise et
réussit à le relever. Ils prononcent alors trois syllabes qui deviendront le
nouveau mot de maître.
Pendant ce récit, le futur maître
est toujours identifié au cadavre d’Hiram. On le retrouve « entre le
compas et l’équerre ». Lorsque le linceul est soulevé, c’est lui qui
est décrit comme étant en putréfaction ; c’est chez lui que « tout
se désunit ». Lorsqu’il est finalement relevé par les cinq points, il
entend le nouveau mot de maître et la phrase mystérieuse : « Il
vit dans le fils ». Il quitte alors la place d’Hiram pour devenir
« le nouveau Maître ».
Cette scène particulièrement forte
et émouvante a suscité, on s’en doute, des interprétations variées (6, 7).
Si je m’en tiens à la grille choisie au début de ce travail, quatre éléments
de la scène montrent des analogies frappantes avec l’initiation tantrique.
Tout d’abord, le futur maître,
identifié à Hiram, est retrouvé « entre l’équerre et le compas »,
et deviendra Maître en passant « de l’équerre au compas », c’est-à-dire
du carré au cercle ou, selon un symbolisme commun à plusieurs traditions, de
la terre au ciel. Or le centre du mandala est toujours représenté comme un
cercle, alors que les enceintes du palais sont carrées. L’objet de l’initiation
est de faire passer le disciple du carré au cercle central, d’où il s’élèvera
vers la Lumière.
Ensuite, le cadavre d’Hiram qui
part en morceaux (la peau quitte la chair, la chair quitte les os) symbolise
bien le drame de la désintégration qui menace l’être humain placé dans le
monde des phénomènes. Seule une saisie simultanée des cinq points de la maîtrise
permet de réintégrer l’être dans son unité. Or, je le rappelle, la création
continue du monde des phénomènes, dans le bouddhisme tantrique, est toujours
représentée sous la forme de cinq rayons émanant de l’Unité primordiale et
générant une multitude d’apparences. Dans le sens inverse (du monde des phénomènes
au Corps de Vérité), c’est au travers des cinq rayons, ou cinq Dhyani-bouddhas, que l’on s’approche de l’Unité primordiale.
Troisièmement, le relèvement d’Hiram,
et par là l’élévation du nouveau Maître, marque clairement la
transformation opérée en ce point crucial qu’est le centre géométrique du
Temple. Le Maître passe de l’horizontale à la verticale et gagne une
dimension supplémentaire, comme l’adepte tantrique passe à un plan supérieur
lorsqu’il a, à la fin de sa pratique, réussi à atteindre le centre du
mandala.
Enfin, la phrase « il vit dans
le fils » rappelle une pratique commune à plusieurs traditions
initiatiques. Ainsi, dans certaines initiations tantriques, le disciple
visualise son absorption par le maître, sa régression à l’état d’embryon
et sa renaissance comme fils du maître. Par analogie, la phrase « il vit
dans le fils » signifie que, par l’élévation, le nouveau Maître
devient le fils spirituel d’Hiram. En d’autres termes, l’architecte
assassiné survit en chacun de nous, sous la forme d’un maître intérieur, éveillé
par le processus d’identification propre au rite.
Conclusion
L’étude comparative à laquelle
je viens de me livrer a révélé des similitudes plus étendues que je ne l’avais
imaginé a priori. Le fait qu’un
rite maçonnique présente autant de convergences avec une des plus anciennes et
des plus riches traditions ésotériques me réconforte, comme le ferait la découverte
d’une branche éloignée de notre famille. Celà dit, il serait faux de tirer
parti des analogies observées pour s’engager sur la voie du syncrétisme et
modifier notre pratique. La FM est une tradition originale, bien adaptée à la
mentalité occidentale et elle doit le rester. Les analogies indiquent
simplement, comme l’ont révélé les travaux de C.G. Jung, M. Eliade et d’autres
chercheurs, que des hommes appartenant à des cultures différentes utilisent
les mêmes formes pour décrire le monde de l’âme et les réalités supérieures.
Le mandala, la mort et la renaissance, les objets du rituel comme réceptacles
de forces subtiles, sont quelques exemples de ces archétypes.
Parmi les thèmes forts dégagés
par notre analyse de la légende d’Hiram, j’en retiendrai trois, qui me
paraissent constituer l’essence de la maîtrise : la
connaissance, l’élévation par les cinq
points parfaits, et le maître
intérieur.
Premier thème, la connaissance,
pour le Franc-Maçon, n’est pas un savoir abstrait. La connaissance de soi et
des autres, développée sous l’influence des travaux en Loge, doit être intégrée
à l’individu et vécue au quotidien. Si cette connaissance reste purement
discursive et ne se manifeste pas par une transformation profonde de l’initié,
alors la pratique des rituels et la collation de grades sont non seulement une
perte de temps, mais encore un jeu dangereux. C.G. Jung (8) décrit très bien
le gonflement du Moi, qu’il observe chez des sujets revêtus de titres ou dépositaires
de connaissances secrètes, d’autant plus lorsque les titres sont formels et
les connaissances superficielles. Cette inflation psychique peut conduire à un
comportement querelleur et provoquer des haines farouches et des conflits
destructeurs, dont l’histoire des sociétés ésotériques offre quelques
exemples remarquables (voir réf. 9). A mon sens, l’histoire des trois
compagnons meurtriers est une mise en garde contre ce danger qui peut prendre la
forme de la suffisance et de la convoitise à l’égard des titres et
distinctions.
Deuxième thème, le relèvement
(l’exaltation) d’Hiram et du nouveau Maître par les cinq
points parfaits indique que c’est dans les couches profondes de l’être
humain qu’il faut rechercher les qualités du Maître, alors que la peau et la
chair, trop superficielles, se dérobent. Le nombre cinq est le nombre de l’homme,
de la connaissance, de l’équilibre. Il exprime la complétude, réunissant
les cinq directions de l’espace, les cinq éléments, les cinq sens, les cinq
sagesses. Il permet donc de réintégrer dans son unité l’homme désintégré
par les forces chaotiques du monde profane. Et ce n’est qu’après avoir
retrouvé son unité, grâce aux cinq points, que le nouveau Maître peut être
élevé, c’est-à-dire passer du plan terrestre horizontal à l’état (vertical)
de trait d’union entre la terre et le ciel. Cette opération réalise la
conjonction des opposés : la vie et la mort, la terre et le ciel. Il est
alors permis à l’initié de contempler les réalités supérieures, tout en
restant dans le monde pour y communiquer la Lumière, à l’image de cette
phrase de la Table d’Emeraude : « Il
monte de la Terre vers le Ciel, et redescend aussitôt sur la Terre, et il
recueille la force des choses supérieures et inférieures ».
Troisième thème, l’éveil du maître intérieur
est sans doute l’élément le plus fort de l’élévation. Par la
connaissance vécue et mise en pratique, l’initié élargit progressivement le
champ de sa conscience et acquiert une maîtrise plus étendue sur les forces de
l’inconscient. Le maître intérieur, ce n’est pas le juge porteur du code
moral dicté par le groupe ; ce n’est pas non plus la figure divine qui
culpabilise et punit. Le maître intérieur, c’est la conscience en tant que
centre de l’être, totalement libre à l’égard des autorités humaines
parce que connaissant son lien avec l’univers. Une conscience qui ne craint
pas non plus les éléments obscurs de l’inconscient, mais qui travaille à
les intégrer par la connaissance. Bien évidemment, ce maître intérieur ne
surgit pas dans sa taille définitive au moment de l’élévation. Il demande
à être développé lentement, par degrés. S’il rayonne et devient
perceptible de l’extérieur, c’est généralement par la bonté et la discrétion,
plus que par l’orgueil et la suffisance.
A la fin de ce vingtième siècle où
communisme, fascisme et libéralisme économique ont tous tenté de réduire
l’être humain à sa dimension la plus ordinaire, la tradition initiatique
offre le dernier jardin où l’homme puisse cultiver toutes ses dimensions et
toutes ses potentialités. Le symbole le plus clair de ce contraste est l’élévation
à la maîtrise, qui bouscule les certitudes profanes en affirmant l’importance
de la dimension verticale et en réalisant la conjonction des opposés.
Bibliographie
(1)
Langlet P., Des Rits maçonniques,
Paris, Dervy 1996.
(2)
Gyatso T., Hopkins J., The
Kalachakra Tantra, Rite of Initiation, Londres, Wisdom Publications 1985.
(3) Tucci G., Théorie
et pratique du mandala, Paris, Fayard 1974.
(4) Jung C.G., Psychologie
et alchimie, Paris, Buchet/Chastel 1970.
(5) Heninger S.K., Some
Renaissance Versions of The Pythagorean Tetrad - Studies in the Renaissance, 1961, pp. 7-33.
(6) Wirth O., La FM
rendue intelligible à ses adeptes, III Le Maître, Paris, Dervy 1991.
(7) Négrier P., La
lettre « G », suivi de : Le
mot sacré de Maître et les cinq points du compagnonnage, Paris, Detrad
1990.
(8) Jung C.G., Dialectique du moi et de l’inconscient, Paris, Gallimard 1964.
(9) Howe E., The Magicians of the
Golden Dawn, York Beach, USA, Weiser 1984.
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