Nous
ne savons pas encore avec certitude quand le structure fondamentale en trois
grades, celle qui est à la base de l'ensemble des systèmes maçonniques
actuels, a pu prendre une allure générale et consolidée en milieu anglo-saxon.
Mais il semble, en tout cas, que c'est cette structure, désormais confirmée
outre-Manche, qui a été exportée en France dans les années '30 du XVIIIe siècle
-ce siècle des
guerres, des libérations, des commerces;
sans exclure cependant qu’une première pratique maçonnique ait pu atteindre
la France auparavant, à la suite de l'arrivée sur le sol français des exilés
Stuarts dont les prétentions aux trônes de Londres et d'Edimbourg étaient
suivies avec sympathie par le gouvernement français[i].
Quoi
qu'il en soit, le succès de l'approche maçonnique, en tant que centre d'union
religieux et social, fut tel dans les années '30 du XVIIIe siècle en toute
l'Europe, qu'il n'est pas exclu qu'on ait essayé bientôt d'enrayer les
tendances négatives, ou supposées telles, qui d'un tel succès étaient la
conséquence, tant sur le plan de ce qu'on pourrait appeler la perte de sa
densité conceptuelle ou religieuse que sur le plan de l'insertion dans les
loges de personnes considérées non dignes d'en faire partie.
On
peut donc supposer que c'est pour combattre celle qui pouvait sembler par
endroits une forme de dégénérescence du système tri-gradial, qu'apparurent,
semble-t-il vers la moitié des années '30 ou au début des années '40, des
systèmes comportant des degrés supplémentaires qui, sur le Continent, furent
appelés d’une façon générale 'écossais'[ii] et qui constituaient une sorte de maçonnerie à deux
vitesses. Il s'agissait, dans la plupart des cas, dans cette première phase, très
souvent d'un degré supplémentaire unique[iii],
donc d'un 4e degré unique dépendant d'un chapitre surplombant les loges
symboliques et ayant une fonction directrice ou de contrôle[iv].
Certes,
les dénominations et les thématiques de ces quatrièmes degrés pouvaient être
différentes, si bien qu’ensuite,
l’imagination aidant, on a commencé à créer, à partir de cette base, des
hiérarchies, des échelles, des rites, sans que, pour autant, en ce temps-là
on connaisse la notion de 'hauts-grades' ou l'on ait la perception d'une
discontinuité entre eux et le métier, comme c'est le cas actuellement.
Il
est important de souligner cette idée de dégénérescence, car elle se
retrouve souvent dans les rituels de ce type de grades, où elle est normalement
référée au passé [v];
il s’agit d’une technique de présentation permettant de refléter dans le
passé les problèmes du présent et donnant l’idée que l’histoire se répète
dans ses aspects négatifs, mais aussi positifs[vi].
Les thèmes pour alimenter ce phénomène d'un quatrième degré ne manquaient
pas : en partie, ils étaient liés à la thématique du 3e degré : punition
des assassins, achèvement du temple, parole a retrouver; en partie, ils dérivaient
–comme celui de la ‘chevalerie’- à la fois du discours de Ramsay de 1738[vii]
qui accrédita la thèse de la liaison de la franc-maçonnerie avec les
Croisades ainsi que d’une tendance générale de sympathie pour tout ce qui était
chevaleresque et qui pouvait se rapprocher de la bataille pour un idéal[viii].
Dans ce contexte, n’oublions pas également l’importance assumée dans la période
qui nous intéresse par les loges militaires[ix],
compte tenu du caractère belliqueux de l’époque : qu'il suffise de
rappeler que, depuis la fin du XVIIe siècle jusqu'à 1815, un conflit permanent
opposa les intérêts français et les intérêts britanniques, conflit
particulièrement virulent dans une première période notamment sur le plan
colonial, et en particulier en Amérique du Nord, mais qui n’empêcha pas pour
autant les commerces; en outre, la
France prit une part active, en opposition constante à la Grande Brétagne, aux
guerres des années 40, 50 et 60 du XVIIIe siècle qui ensanglantèrent
l'Allemagne, sorte d'épreuves préparatoires au tourbillon de la Grande Révolution
et à l'épopée napoléonienne.
Quand
et comment apparut en France le grade de chevalier kadosch? Nous pouvons parler
à cet égard d’une apparition en trois actes ou, si l’on préfère, de
trois apparitions distinctes ; difficile de dire plus dans l’état actuel
de la recherche. Mais ce qu’il faut souligner est que dans les trois
apparitions l’élément rituélique commun est l'échelle mystérieuse[x]:
la première apparition eut lieu à Poitiers en 1750 [le grade aurait donc
environ 250 ans], la deuxième à Metz en 1761 et la troisième lors de l'arrivée
en France du REAA, en 1804.
Mais
tout d'abord pourquoi cette appellation 'kadosch'?
Kadosch[xi]
est une expression d'origine hébraïque[xii],
dérivée de la racine QDŠ[xiii]
commune à l'ensemble des langues sémitiques et qui est constamment appliquée
à un contexte religieux actif et positif. Qâdoš
signifie surtout être séparé (du profane), consacré, sanctifié, dédié,
ordonné (prêtre, prince, roi, juge,...); c'est Dieu, lui-même Saint, qui
consacre ceux qui de ce fait deviennent à leur tour qâdoš;
ce qui permet de souligner à leur égard les idées de perfection et de
spiritualité liées à l'action de Dieu et à la responsabilité de l'homme, en
tant qu'entité active dans la continuation de la création[xiv].
Mais
pourquoi nos frères érudits du XVIIIe siècle à l’esprit de piété, idéateurs
de grades, de rituels et de l''histoire sacrée' maçonnique, ont-ils choisi de
se référer au terme qâdoš pour ce
grade ? A part la valeur numérologique de qâdoš[xv],
il n’est pas exclu qu’ils aient été influencés par les traductions de la
Bible courantes en France à ce moment-là où, par exemple, dans le Livre des
Nombres on traduit qâdoš, qui veut
dire saint, en le rapprochant du mot ‘élu’, comme dans le contexte suivant :
«le Seigneur donnera à connaître qui est sien et fera approcher de soi celui
qui est saint et celui qu'il a élu; et l'homme que le Seigneur aura élu sera
saint».[xvi]
Le
grade appelé 'kadosch' semble apparaître pour la première fois à Poitiers
certainement en 1750, mais l'on peut présumer déjà quelques années
auparavant, dans le cadre d’un
Chapitre désigné comme Ordre Sublime des Chevaliers Elus et comportant ce seul
grade, celui de chevalier élu[xvii].
Le
catéchisme comportant le mot 'kadosch'[xviii],
ayant souligné la dégénérescence de la franc-maçonnerie après la période
salomonienne et indiqué que le chevalier élu connaît l'échelle mystérieuse,
prévoit la question et la demande suivantes: Question:'-comment se peut-il donc
faire que l'ordre soit parvenu à nous dans toute sa pureté? Réponse:-plusieurs
d'entre eux observateurs de la loi qu'ils s'étaient imposée à juste titre se
séparèrent (il y a lieu de noter l'emploi du verbe 'séparer') et furent à
juste titre appelés kadosch qui signifie saint.'
Par
ailleurs, les chevaliers élus auraient été, d'après ces instructions,
apparentés aux pharisiens[xix] et aux
esséniens[xx].
Le
catéchisme précise que les chevaliers 'possédaient des biens immenses' et que
'Philippe le Bel fut l'auteur de leur ruine'. Ensuite, on précise que 'les frères
qui ont conservé l'ordre se cachèrent dans les montagnes d'Ecosse où ils
prirent le nom d'origine franc-maçons afin de mieux se cacher'; et l'on
continue ainsi: 'l'Ordre admet aujourd'hui des frères qui ne sont pas
catholiques, parce qu'en Ecosse et en Angleterre, plusieurs frères embrassèrent
les nouvelles opinions'. Et 'c'est de l'Ecosse -précise le catéchisme- que l'élection
est rentrée en France'. Cette déclaration sur les frères non catholiques fait
penser que le rédacteur n'était pas français[xxi],
ce qui pourrait être renforcé par la similitude entre la forme allemande 'Essäern'
et 'Esséens' et non pas Esséniens, forme d'utilisation courante en France.
Il
est clair que, dans cette première apparition, le thème de la destinée
ruineuse des Templiers[xxii]
dont descendent les chevaliers élus, est évoqué[xxiii]
sans que pour autant on suggère l'idée d'une vengeance quelconque au détriment
de la tiare et de la couronne mais simplement
-et dans une tradition reprise par le 3e degré des Anciens à Londres[xxiv]-
le châtiment du ou des meurtriers d'Hiram.
L'idée
que les francs-maçons descendent des Templiers devait circuler déjà en France
dans les années 40 du 18e siècle. En effet, Willermoz, créateur du RER, déclara
en 1782 au Convent de Wilhelmsbad que lui-même, devenu président de la loge
symbolique de Lyon qui l'avait reçu trente années auparavant (donc au début
des années '50), au moment de conférer le 4e grade (à ce moment-là, les
loges symboliques conféraient souvent elles-mêmes le 4e grade) apprenait mystérieusement
à l'impétrant qu'il devenait successeur des chevaliers templiers et de leurs
connaissances; et Willermoz soutint qu'il avait appris cela de son prédécesseur
dans la charge, qui, lui-même, l'avait appris d'une ancienne tradition dont il
ne connaissait pas l'origine[xxv].
A
part la confluence des
divagations anglaises et de la réceptivité continentale,
cette tradition est en fait l’aboutissement dans les années 30 et 40 du
XVIIIe siècle de toute une série de thématiques à fond mystérieux propagées
dans les milieux religieux et mystiques, notamment liés aux Rose-Croix[xxvi]
alors que, en même temps, étaient disponibles sur le marché maints ouvrages
sur les ordres de Chevalerie[xxvii].
Les prémices de la référence aux Esséniens comme apparentés aux francs-maçons
se retrouvent dans le texte 'Défense de la Maconnerie' publié en annexe des
Constitutions d'Anderson de 1738[xxviii],
où l'on fait des rapprochements audacieux avec les Esséniens ensemble avec les
Egyptiens, les Pythagoriciens, les Cabalistes et les Druides[xxix].
Est de 1745 environ une curieuse pièce envoyée au prince Christian de Hesse
pour l'éclairer sur la densité mystique du
rite suédois. Cette pièce rédigée en français, dont le titre est 'De
la maçonnerie parmi les Chrétiens' débute ainsi: ‘Parmi les chrétiens on
trouve Boetius et son père Symmachus nommé le vénérable et Ausonius. Après
eux nous rencontrons une grande lacune dans la suite des Initiés, jusqu'à ce
que nous retrouvons les mystères de l'Ordre dans ceux des Rosecroix modelés
d'après ceux des Esséniens dont ils descendoient directement. On peut avec
justice leurs atribuer la restitution de l'Ordre. Car les chanoines du St-Sépulcre
qui étoient des Rosecroix fixés à Jérusalem adoptèrent ensuite les
templiers dont l'institut s'accomodait au but de l'Ordre, c'étoit la sobriété,
le secret, la pauvreté, la chasteté, l'amitié jusqu'à la mort, le secours
mutuel et la défense de la Religion’. Et de poursuivre avec la triste
histoire de Jacques de Molay enrichie de développement mystiques jusqu'au
refuge trouvé en Ecosse par des Templiers dispersés. Le texte se termine par
une référence aux mystérieux détenteurs des secrets de l'Ordre dont le
domicile doit être caché aux profanes mêmes si parmi ceux-ci il y en aurait
qui 'auroient entrevus quelques rayons de la lumière qui éclaire les vrais
Francs-Maçons'[xxx].
C’est
probablement sous l’influence de cette littérature que fut fondé par René
François André, comte de la Tour-du-Pin La Charce, en 1750 le chapitre kadosch
de Poitiers. Le comte de la Tour-du-Pin, nommé capitaine d'infanterie en 1730
fut, lors d'une première bataille, blessé d'un coup de feu et reçut le
commandement du régiment de Bourbon Infanterie en 1740; lors d'une deuxième
bataille, une terrible blessure lui fracassa les deux os de la jambe gauche, ce
qui le rendit infirme et l'obligea à quitter l'armée en 1748 avec le brevet de
brigadier des armées du Roi[xxxi].
En 1744, il avait figuré comme président d'une loge militaire établie dans le
régiment de Bourbon Infanterie, ce régiment ayant été impliqué dans la
guerre de succession d’Autriche qui se déroula de 1740 à 1748 et qui vit la
France alliée de la Prusse contre l’Autriche et Londres[xxxii].
Il n'est donc pas exclu que cette thématique des francs-maçons descendants des
Templiers ruinés par Philippe le Bel ne soit germée dans un milieu allemand et
plus précisément en Hesse[xxxiii]
d'où partit également le courant rosicrucien[xxxiv].
Car, si les français ont joué un rôle déterminant dans le développement des
grades au delà du 3e, ils furent des créateurs moins souvent qu'on ne le pense[xxxv].
Mais, même si l'origine de la thématique templière était allemande, c'est en
France que s'est réalisée la jonction avec l'élection kadosch[xxxvi].
Mais
pourquoi cette thématique particulière des Templiers cherchant refuge en
Ecosse et sortant de là, siècles après, comme francs-maçons' ? C'est de
l'Ecosse -précise le catéchisme- que l'élection est rentrée en France'. Ne
faudrait-il pas lier cela à la présence sur le sol français des exilés
Stuarts prétendant aux trônes britanniques, la tendance chevaleresque
correspondant certes à une aspiration généralement ressentie dans le monde maçonnique
de l'époque[xxxvii],
mais due aussi à l'influence de ces milieux d’exilés stuartistes, dits aussi
jacobites ? Dans quelle mesure, ne pourrait-on pas penser que la sympathie
pour les Croisades et les Templiers serait le reflet de leur désir de reconquête
du pouvoir où derrière Jérusalem il faudrait lire Londres ? Et qu’à
cet effet l’idée d’une liaison avec les Templiers devenus francs-maçons
pouvait être séduisante dans la mesure où elle aurait pu aider la mise sur
pied de conventicules françaises et allemandes favorables à leurs intérêts
et célébrant des liaisons fumeuses entre les Templiers, l'Ecosse, la franc-maçonnerie
et eux-mêmes en tant que maillons privilégiés de cette chaîne ? En
particulier, l’idée même de vengeance au détriment de la tiare et de la
couronne n’aurait-elle pas été à ce stade incongrue, car l’opération était
liée à une restauration monarchique ? Mais que, par contre, le rappel du
triste sort fait à Jacques de Molay, dont le meurtre d’Hiram serait en
quelque sorte la préfiguration, pourrait constituer une référence à l’exécution
de Charles Ier Stuart[xxxviii] en 1649 qu'Anderson lui-même définit un
assassinat[xxxix] ?
Il
est difficile, en l'état actuel de la documentation disponible, de donner une réponse
satisfaisante à toutes ces interrogations. Nous savons que le baron Karl-Gotthelf
von Hund[xl],
un des personnages clefs du développement des hauts grades sur le Continent et
futur fondateur de la Stricte Observance Templière[xli],
affirme avoir fréquenté la maçonnerie parisienne pendant neuf mois en 1743,
dans les milieux stuartistes de Paris et d'avoir été reçu à ce moment-là à
un grade 'templier'. Par ailleurs, l'existence de loges militaires auprès des régiments
français opérant en Allemagne ainsi que les contacts que les prisonniers français
ou les militaires français blessés pouvaient avoir avec les milieux allemands,
expliqueraient cette 'collaboration' franco-allemande dans la création du grade
qui nous intéresse. Certes, la superposition d'images anciennes aux projets
politiques actuels des exilés stuartistes, cultivée dans des loges ad hoc,
aurait peut-être permis la persistance d'un climat d'exaltation favorable à
des futurs faits d'arme[xlii].
Il n'est donc pas exclu que, en dehors de la thématique strictement kadosch liée
au concept de consécration et de purification et à l'influence rosicrucienne[xliii], une troisième composante de l'apparition de synthèse
française soit représentée par la dimension stuartiste ou anti-hanovrienne.
En tout cas, l'Ordre Sublime des Chevaliers Elus, première apparition kadosch,
va disparaître dans les cinq ans qui suivent la bataille de Culloden (1746) où
le duc de Cumberland détruisit l'armée stuartiste[xliv].
Le
grade kadosch apparut pour la deuxième fois en mars 1761, à l'orient de Metz
dans la loge "Les Parfaits Amis", dans une décennie où le
foisonnement de grades supérieurs au 3e avait désormais pris consistance. Ce
grade fut présenté par le frère visiteur le lieutenant Jean Baptiste
Dubarailh[xlv],
officier venant d'être libéré de captivité, après avoir participé à la
guerre des sept ans qui se déroula entre 1756 et 1763 sur le sol allemand et
qui vit à nouveau s'affronter la France et la Grande Bretagne, mais dans le
cadre d'une révolution diplomatique ou renversement des alliances, la France s'étant
cette fois-ci alliée à l'Autriche et la Grande-Bretagne à la Prusse[xlvi].
Le frère Dubarailh affirmait se prévaloir de pouvoirs du Comte de Clermont et
du substitut de Frédéric Roi de Prusse, pouvoirs qui apparemment ne furent
jamais prouvés comme réellement existants.
La
légende du grade dans cette deuxième apparition se trouve dans un manuscrit
daté de juillet 1761 inclus dans le fonds Willermoz déposé à la bibliothèque
de Lyon; le grade était appelé alors "dernier de la FM". Ce texte
dicte: «dans les solitudes de Syrie, Scythie et Thébaïde s'installèrent les
solitaires connus sous le nom de pères du désert qui furent appelés Kados,
c'est à dire Saints; ceux-là étaient -précise toujours ce rituel- les
descendants des superintendants élus par Salomon et qui, une fois le temple
terminé, réputés pour leur charité furent appelés Kados, ce qui signifie séparés,
car ils étaient séparés des autres hommes par leur sainte vie». Il n'est
nullement question de vengeance dans ce rituel, mais on y parle d'une simple
recherche de la vie spirituelle et de la progression vers le salut à la pure
lumière de l'Evangile. Il se limite à dire, à la fin, qu'en 1118 fut créée
devant le patriarche de Jérusalem la milice des pauvres chevaliers du Christ
appelée communément l'Ordre du Temple; ce rituel avait en tant que tableau de
loge, comme dans la première apparition, l'échelle mystérieuse des vertus et
comportait comme emblème l'aigle à deux têtes qui était absente de la première
apparition en 1750, ce qui fait supposer cette fois-ci, encore plus que dans le
cas de la première apparition du grade, une origine allemande[xlvii].
Or
le frère Dubarailh, en même temps qu'il présentait le rituel ci-dessus,
communiquait des instructions à transmettre de bouche à oreille[xlviii]
et qui ne devaient jamais être présentées par écrit, d'un grade secret appelé
'grand inspecteur, grand élu, chevalier Kadosch’ appelé normalement GJGE CH
KS. Pourquoi cette appellation ? ‘Inspecteur’ implique l’idée de
contemplateur de la réalité spirituelle intérieure[xlix],
en allemand Hineinseher, et correspondant à une forme du verbe latin ‘in-spicio’[l] ; Grand Elu, ce serait probablement par opposition
à un Petit Elu dont on n'a plus de trace directe; quant à ‘Chevalier’,
c’est sans doute un rappel de la première apparition.
Ces
instructions comportaient toute la partie relative à Jacques de Molay, Philippe
le Bel et Clément V[li],
le meurtre d'Hiram étant présenté comme la préfiguration du supplice de
Jacques de Molay (d'où serait venue l’indication dans les rituels kadosch que
"son nom fut autre et le même pourtant") ;
le but était de présenter au Premier Concile à venir l’idée de faire
restituer à l'Ordre du Temple les biens confisqués au XIVe siècle; si bien
que l'Ordre des Hospitaliers de Jérusalem, qui avait obtenu ces biens confisqués,
aurait dû les verser à la franc-maçonnerie considérée comme l'héritière légitime
de l'Ordre du Temple[lii].
Les
réactions à cette apparition de Metz ne se firent pas attendre. Dans le
rapport que fait Meusnier de Précourt[liii]
au sujet de l'apparition du GJGE à Metz, on lit que le grade couvrait un projet
insensé, ‘qui ne tombe pas sous les sens’, comme Meusnier s'exprime, ce qui
veut dire que déjà en 1761 on ne faisait pas de distinction entre le rituel de
base kadosch [qui pourrait être en fait une copie réalisée par Willermoz et où
celui-ci aurait presque intégralement omis de recopier la partie relative aux
Templiers[liv]] et les instructions secrètes.
C'était
ne pas tenir compte de l’incohérence et de l'enthousiasme maçonnique de l'époque
car, avant cela, pendant la guerre des sept ans, Dubarailh avait déjà constitué
Kadosch en Allemagne le parisien François Le Boucher de Lenoncourt, écuyer de
son état, qui de son côté fit le nécessaire d'une façon fulgurante pour
diffuser le grade ‘kadosch’ au sein de la Grande Loge de France,
celle-ci s'empressant à son tour de l'insérer comme sommet de son système dénommé
'Parfaite et Sublime Maçonnerie’[lv].
Ce franc-maçon parisien était par ailleurs très influent; en effet sa
signature apparaît, à côté du substitut du comte de Clermont, en bas des célèbres
lettres patentes qui permirent à Estienne Morin de diffuser aux Amériques les
hauts-grades français.
Par
ailleurs, voilà ce qu'écrivaient en cette année là les frères de Metz aux
frères de Lyon[lvi],
au sujet du 'kadosch': ‘tous les grades dont nous venons d'avoir le plaisir de
nous entretenir avec vous sont subordonnés à ce dernier, ils y tendent tous,
mais malheureusement ce dernier ne peut se transmettre par écrit sans quoi TC
et très aimables frères soyez bien persuadés de notre zèle à vous le conférer,
mais dans la supposition où il vous serait inconnu, notre correspondance nous
fera rechercher avec avidité les occasions de voyage de quelques-uns de nos frères
qui en sera revêtu et qui vous le conférera en passant chez vous: vous y
verrez [et voilà la conclusion très suspecte] vous y verrez le principe, le
fin et le but de notre ordre[lvii].
N’empêche qu’au printemps de l'année suivante, en 1762, Précourt faisait
adopter par les frères messins une résolution condamnant ce grade et refusant
la reconnaissance aux frères qui s'en diraient revêtus. Willermoz
condamna ‘le grade kados dans lequel on s'occupe de cette chimère du rétablissement
de l'Ordre du Temple’. Cela n'empêchera pas le même Willermoz en 1763
d'ajouter à ses autres titres, lors de la signature d'un document, GJGE,
chevalier Kadosch[lviii].
Cette
confusion a
permis au grade de vivre parfois sans les instructions secrètes. Par exemple
dans un manuscrit de 1765: Question= Que devons-nous faire lorsque nous aurons
le bonheur de tuer le traître, c'est-à-dire de nous éloigner du péché? Réponse=
Il nous faut suivre le conseil du prophète Daniel qui dit "rachetez vos péchés
par l'aumône".
Mais
à partir de là, le grade eut une vie très contrastée[lix],
car le programme de vengeance a dû se faufiler dans les rituels. Conscient
du problème lié à ce grade, le baron de Tschoudy[lx]
en 1765 attaquait les instructions secrètes, en ne faisant pas clairement la
différence par rapport au grade kadosch proprement dit[lxi],
si bien qu'en 1766, une circulaire des empereurs d'orient condamnait le grade
(et les instructions secrètes ensemble)
comme faux, fanatiques, détestables, tant comme contraire aux principes et aux
buts de la maçonnerie que comme contraires aux principes et aux devoirs d'état
et de religion[lxii].
Quant à l'écuyer Le Boucher de Lenencourt, il fut rayé en 1769 du tableau des
loges parisiennes par le substitut du comte de Clermont[lxiii],
car follement ambitieux et faisant commerce de mystères maçonniques.
Le
grade de chevalier Kadosch était mis ainsi au ban de la pratique française[lxiv].
Les empereurs d'orient condamnèrent derechef ce grade en 1780, il fut écarté
du rite en 7 degrés du grand orient de France dit aussi rite français, il ne
fut jamais pris en compte par le rite écossais philosophique et fut oublié par
le rite écossais rectifié. A la fin du 18e siècle, en France, la perfection
de la franc-maçonnerie était le Rose-Croix, grade du troisième temple, le
temple tout à fait spirituel de la nouvelle loi, après le premier temple, représenté
par les grades salomoniques et le deuxième temple représenté par les grades
chevaleresques. Le statut de grade terminal attribué au Rose-Croix
correspondait d'ailleurs aussi à la pratique de beaucoup d'ateliers de
hauts-grades depuis la condamnation du kadosch en 1766[lxv].
Toutes
les accusations contre l'ordre maçonniques qui furent publiées pendant la
Grande Révolution par plusieurs auteurs, notamment par l'abbé Lefranc[lxvi]
et par le jésuite Barruel[lxvii]
se basèrent d'ailleurs sur ce grade que les FM avaient déjà proscrit, mais
qui vivait, dans leurs imaginations et dans celles d'un vaste secteur de
l'opinion, au sein de mystérieuses arrière-loges kadosch[lxviii].
Si
la première et la deuxième apparition nous la devons surtout aux guerres, la
troisième est liée aux commerces. En effet, la troisième apparition du grade
en France est à reconduire à l’année 1804 avec l’arrivée dans notre pays
de notre Rite, le REAA. Comment cela a pu se faire ? C’est qu’au début
de 1762, Estienne Morin, commerçant et voyageur,
était parti aux Amériques avec les grades de l'Ordre du Royal Secret[lxix]
dont le chavalier kadosch faisait partie à la 24e (pénultième) place; si bien
que ce grade kadosch, très souvent sous le nom de chevalier de l'aigle blanc et
noir, avait prospéré dans les colonies anglaises et françaises, tout à fait
indifférent aux remous qu’il provoquait en France. Il fit donc par la suite
incorporé dans notre Rite en tant que 30e, et réimporté en France, dans un
contexte où il ne risquait plus d’ébranler les structures obédientielles,
au début du XIXe siècle, par le Souverain Grand Commandeur, comte de
Grasse-Tilly[lxx]
qui l'avait lui-même reçu à Charleston.
N'empêche
que sa vie devait rester encore raréfiée et difficile. Le Souverain Grand
Commandeur, le prince Jean-Jacques de Cambacérès, décréta en 1806 que le
grade ne pouvait être donné que par communication, ce qui fut confirmé en
1808, année où l'on comptait, aux hauts-grades gouvernés par le Suprême
Conseil du REAA pour la France, 120 princes du royal secret, 32e, contre neuf
titulaires kadosch, 30e, seulement[lxxi].
Les
premiers aréopages ne furent admis qu'en 1821 et le ‘kadosch’ devint ainsi,
dans la pratique française des hauts-grades, leur degré de base. Nous avons
trace de la création en 1830 de deux aréopages "La Sincérité" au
Camp de Besançon et "La Trinité" au Camp de Dunkerque. A partir de
1870, le tutoiement devint rituel. Il y avait en tout cinq Aréopages en
province, lorsque fut créé en 1890 le premier aréopage parisien,
"Lutetia".
Par
la suite, le grade s'adapta aux circonstances. Les rituels qui le caractérisèrent
en témoignent[lxxii].
Le tuileur dit de Lausanne de 1875 dicte, par exemple: « Question=
Qu'as-tu foulé aux pieds? Réponse = Des couronnes royales et des tiares
papales », tandis que, à la même date, un autre tuileur dictait:
"Question:= Pourquoi es-tu Kadosch? Réponse= Pour combattre par tous les
moyens et sans trêve ni repos toute injustice et toute oppression"[lxxiii].
Le grade, cependant, mena, somme toute, une vie tranquille au sein du REAA[lxxiv].
Et ce, bien sûr, avec des rituels fort différents, une étude de W.Oliemans[lxxv]
d’il y a quelques années en ayant identifié jusqu’à 17. La ‘généalogie’
des rituels ‘kadosch’ exige néanmoins une recherche séparée et ce, sur
l’ensemble des rites; car, à leur genèse et à leur développement, un
nombre important de francs-maçons a participé; une telle recherche doit aussi
tenir compte, d’une part, qu’une même
dénomination peut couvrir des thématiques différentes, d’autre part,
qu’une même thématique peut se retrouver sous différentes dénominations[lxxvi].
Notes
[i]Les
‘stuartistes’ furent appelés aussi ‘Jacobites’ puisqu’ils étaient
tenants du roi exilé Stuart Jacques II (en latin : Jacobus) prétendant
aux trônes britanniques, détenus par la Maison de Hanovre ; les Stuarts
étaient originairement rois d’Ecosse. La recherche tend à penser (voir
H.Amblaine, La Franc-Maçonnerie,
l'Angleterre et les mythes, Acta Macionica, volume 9, p.370) qu’ils
pourraient être à l'origine de la première vague maçonnique en France
d'origine britannique qu'on pourrait faire remonter (bien avant l’événement
londonien de 1717) à la fin du XVIIe siècle [qui fut représentée ensuite
par Derwentwater, McLean et O'Heguerty], et qui se différencierait par
rapport à la deuxième vague représentée par Desaguliers, Richmond et
Custos (hanovrienne?), qui date des premières années ‘30 du XVIIIe siècle
(voir A.Bernheim, La Stricte Observance,
Acta Macionica, 8, p.69);
cette différenciation expliquerait l’écart dans le contenu des
‘divulgations’ des rituels et catéchismes publiées en France [une partie
de la littérature populaire anglo-saxonne considère cela comme acquis; voir:
Baigent & Leigh, The Temple and the
Lodge, Corgi Book, London 1989, p.239; mais même la recherche actuelle va
dans cette direction; voir: A.Kervella, James
Steuart, précurseur méconnu de l'Ecossisme en France, Renaissance
Traditionnelle, 121, surtout pp. 50 et 51];cet
aspect mérite néanmoins quelques recherches ultérieures: voir A.Bernheim, ibid.,
p.83, note 7.
Le mouvement jacobite ou stuartiste fut important de 1688 (révolution
anglaise qui détrôna Jacques II [roi d'Angleterre et d'Irlande et Jacques
VII d'Ecosse, de 1685 à 1688], accueilli magnifiquement en France par Louis
XIV) à 1746 (bataille de Culloden,
près d’Inverness, où les stuartistes furent définitivement écrasés, après
cinq tentatives de restauration dont au moins trois furent appuyées
militairement par la France). Le mouvement fut surtout dynastique en Ecosse et
au pays de Galles et surtout religieux (pro-catholique) en Irlande. Après
Jacques II, les chefs du mouvement furent Jacques-Edouard (dit le Vieux prétendant,
1688-1766) et Charles-Edouard (dit le Nouveau prétendant, 1720-1788).
[ii]
Rappel de l’origine écossaise des Stuarts? La littérature populaire
anglo-saxonne tend à lier la création des hauts-grades anglais aux tenants
des Stuarts; voir:
Baigent & Leigh, The Temple and the
Lodge, cit., p.242 [d'où, en reliant audacieusement la sombre histoire
des templiers de Jacques de Molay à la sombre histoire des Stuarts,
aboutirait-on à appeler grades 'templiers' une partie des hauts-grades créés
en France?]
[iii]
Ce n’est qu’à partir de la deuxième moitié du siècle que commencent à
paraître des constructeurs d'échelles de grades ou rites, les plus connus étant
Estienne Morin (1717 [?]-1771), qui en tant que précurseur du REAA nous est
particulièrement cher, le baron von Hund (1722-1776), qui fut à la base (en
1753?) de la Stricte Observance Templière, Carl Friedrich Eckleff
(1723-1784), créateur du rite suédois entre 1756 et 1759, et beaucoup plus
tard Willermoz (1730-1824), créateur du régime écossais rectifié (1778).
Voir: A.Bernheim, Estienne Morin et
l'Ordre du Royal Secret, Acta Macionica, Volume 9, p.11ss.
[iv]
De
même qu'aujourd'hui, dans le style Emulation, on peut être exalté 'royal
arch' dans un chapitre portant cette désignation sans pour autant que cette
situation soit considérée comme mettant en cause le système tri-gradial.
Ce n'étaient pas de véritables centrales, mais une sorte de loges mères
ayant une juridiction limitée géographiquement, parfois à une seule ville,
chacune essayant de construire un système sui generis ; P.Lestienne, Une réponse au "courrier des
lecteurs", Renaissance Traditionnelle,
114, p.155; A.Bernheim, Estienne
Morin et l'Ordre du Royal Secret, cit., p.12.
[v]
"peu à peu ils négligèrent leurs anciennes [loix], insensiblement ils
oublièrent tous leurs devoirs, lorgueil et lavarice leurs servirent de guide
et ils se contentèrent de conserver un exterieur austere et sous le masque de
lhipocrisie ils se soutinrent tres longtems", on lit dans le catéchisme
de Quimper, A.Kervella et P.Lestienne, Un
haut-grade templier dans des milieux jacobites en 1750,
Renaissance Traditionnelle, 112, p.260
[vi]
Le texte du Coran, par exemple, présente ces caractéristiques
[vii]
P.Mollier, Imaginaire chevaleresque et
franc-maçonnerie au XVIIIe siècle, 99, pp.131-132
[viii]La
fonction d'un centre d'union religieux et social tel que la franc-maçonnerie
doit être appréciée dans le contexte des événements politiques de cette
époque, et ce, surtout, si l'on veut comprendre l'histoire du grade de
chevalier kadosch.
[ix]
Des indications sont fournies par C.Guérillot, A la rencontre des premiers francs-maçons écossais, Paris, 1997,
p.113 ss.
[x]Pour
les liaisons entre l'échelle mystérieuse et les Ordres religieux, on
pourrait peut-être suivre les développements indiqués par J.Tourniac, Les tracés de lumière, Dervy, Paris, 1987, p.21; voir aussi:
D.Beresniak, Du temple de Salomon à l'échelle
mystique, Pais, 1992, p.42; la recherche doit porter aussi sur la liaison
entre l'échelle de Jacob et les
heures d'ouverture et de fermeture des travaux
[xi]
Dans
les rituels on trouve Kadosch avec sch, Kadosh avec sh, Kados, Katos ;
C.Guérillot,
La Rose Maçonnique, Tome
2, Paris, 1995, p.229
[xii]
L'utilisation d'un mot hébreu comme qâdoš
ainsi que d'ailleurs d'autres mots hébreux dans nos rituels est une constante
à partir du XVIe siècle. Une des traces principales en est dans l'ouvrage de
Tyard, le Second Curieux, publié à Paris en 1557 ; on y lit: ‘selon
les mosaïques, suivis,par Platon, les noms sont substantiels, j'entends
signifiant la substance de la chose nommée même en la sainte et adamique
langue des Hébreux. Aussi Zoroastre et longtemps après lui Jamblique ont
assuré (selon leur secrète magie) la conférence des hommes avec les anges,
être faite en langue barbare, c'est-à-dire hébreux qui est autorisée de
Dieu et en sa pureté elle sert de réceptacle à la vraie connaissance de la
divine vérité’. Même
chose chez Champier, La Boderie,
Du Bartas, etc., mentionnés in D.P.Walker, The
Ancient Theology, Studies in Christian Platonism from the Fifteenth to the
Eighteenth Century,
Duckworth, 1972, pp. 98ss. Cela
correspond à une tendance importante de la pensée antique tardive :
"...l'empereur Julien (...) accordait (...) au judaïsme une forme de crédibilité
parce que, contrairement au christianisme qui n'était qu'une religion récente,
il s'enracinait dans un passé lointain et provenait du fond des temps et
d'une région où les sages de la Chaldée avaient édifié une sagesse (à
savoir: la théurgie) mémorable, profonde et supérieure à toute autre forme
de sagesse." L.Couloubaritis,
Histoire de la philosophie ancienne et médiévale, Grasset,
Paris, 1998, p.22
[xiii]Voir
un très riche exposé concernant tous les développements relatifs à la
racine QDŠ dans
Supplément
au Dictionnaire de la Bible, École
pratique des hautes études, Section des sciences religieuses, Paris, 1985,
Letouzey et Ané, T.dixième, fasc.54-59, pp.1346-1416
[xiv]
S.Eched, L'hébraïsme réel ou déformé
dans le REAA, L.La Fidélité, GLRB, Gand, 1993, ainsi que dans une lettre
privée du 10 mars 2000; voir aussi:
Delaulnaye, Thuileur des trente-trois degrés de l'écossisme,
1821, réédité en 1979 par les 'Editions d'aujoud'hui', p.220;
M.Saint-Gall, Dictionnaire des Hébraïsmes,
Demeter, Paris, 1988; C.Guérillot, Le
Rite de Perfection, Trédaniel, Paris, 1993, p.461; C.Gagne, Note
sur le sens biblique du terme 'kadosch', Ordo ab Chao, Suppt.30e degré au
n°29, p.25. Quand
on introduit la notion de séparation
à côté de celle de sainteté, c'est pour signaler non pas que la personne
est mise en retrait, mais qu'on lui applique une distinction, de sorte qu'elle
puisse mieux se consacrer et s'approcher de la Divinité. Dans
une lettre privée, A.Bernheim me communique le 22 juin 2000 ceci: "le
Dictionnaire des Hébraïsmes (Demeter, Paris 1988) de Michel Saint-Gall ...
écrit sous l’entrée KADOSCH : « (koph, daleth, [vav], shin) :
peut être traduit de nombreuses façons. Dans la Bible elle-même, le terme
signifie le plus souvent : saint, sans souillure et
de ce fait séparé (Ex. XIX-6),
soit plus rarement l’opposé : impur,
souillé (Deut. XXII-9). Toutes les
langues anciennes contiennent de ces mots qui expriment en même temps une idée
et son antithèse, la différence se faisant par le contexte ou par
l’intonation. Les exemples abondent mais un seul suffira : le mot sacer en latin avec exactement les mêmes connotations et interprétations
que le mot KADOSCH. Les légendes traditionnelles démontrent à l’évidence
que la première interprétation de KADOSCH, et elle seule, est à
retenir en ce qui nous concerne.» Ce qui correspond bien au f° 13 du rituel
de Quimper : «Les pharisiens degenerent de la regularité primitive de
leur société, ils neurent dans la suite que des vertus exterieures et
apparentes ainsi que Jesus Christ le leur reprochoit ; longtemps avant sa
venue, quelques uns dentre eux reguliers conservateurs des loix et de la
morale des premiers elus formerent une société particuliere et prirent le
nom hebreu de kadoch qui signifie saint ou separé il est aussi designé
par la lettre hebraique kal et sont connus sous Desseens »"
[xv]
valeur numérologique de qdš = 510 = 5+10 =Esprit (divin),
Spiritualité (HÉH) + la Perfection (YOD); ensemble YOD + HÉH = YAH = l'un
des noms du Divin = les premières lettres du tétragramme YOD- HÉH -VAV- HÉH;
510 = aussi = 5+1+0 = 6, rappel que l'homme a été créé à la dernière
minute du sixième jour et a reçu, dit la Bible, la responsabilité sur toute
la création. YOD- HÉH -VAV- HÉH, en créant le SHABBAT se repose depuis
lors et s'en repose sur nous, dit le 'Midrash’, pour la création continue
(S.Eched, dans une communication privée du 10 mars 2000)
[xvi]
Ce
rapprochement des termes 'élu' et 'saint' pourrait avoir permis à nos frères
érudits de privilégier qâdoš en tant que correspondant hébraïque de
'saint' ; en prenant par exemple haqâdoš [AT, Nombres, xvi, 5, 7], on
remarque que la traduction oecuménique actuelle présente le texte sous la
forme: «le Seigneur fera connaître qui est à lui, qui est saint et qui est
admis à l'approcher». Par contre, dans « La
Bible qui est toute la saincte écriture » de 1560, réimprimée et
d'utilisation courante dans les deux siècles suivants, on dictait en outre,
dans les commentaires,
en permettant de rapprocher les notions de 'saint', de 'séparé' et d''élu'
(c'est moi qui souligne): Genèse 2,3 "Et Dieu bénit le septième jour
et il le sanctifia parce qu'en icelui il avait cessé de toute son oeuvre
qu'il avait créée pour être faite - Commentaire: bénir et sanctifier se
prennent ici pour une même chose; il sépara
le septième jour des autres afin que les hommes en icelui s'occupassent à la
considération de ses oeuvres". De même, Isaïe 4,3 "Et adviendra
que celui qui sera resté en Sion et qui sera demeuré en Jérusalem on
l'appellera saint - Commentaire: à savoir quand le Seigneur purge
son église et sépare les
agneaux d'avec les boucs"
[xvii]A.Kervella
et P.Lestienne, Un
haut-grade...,cit.,
p.229ss; le
catéchisme correspondant a été découvert à Quimper
[xviii]
Un
autre catéchisme similaire –mais sans l'indication 'kadosch'- a été
identifié à Poitiers, ibid., p.230
[xx]
Schiffmann
écrivait à ce sujet : « Bolingbroke war es, der zuerst das
Christhentum in engem Zusammenhang mit den Essäern brachte. [...] Aus dieser
Quelle hat denn auch von Nettelbladt geschöpft." [Ce
fut Bolingbroke qui, le premier, a produit la connexion étroite entre le
christianisme et les Esséniens. Von
Nettelblad aussi a puisé à cette source] (Die
Entstehung der Rittergrade in der Freimaurerei um die Mitte des XVIII. Jahrhunderts,
1882, p. 92 – Reprint en facsimilé Graz 1974). Il écrit dans le même
ouvrage (pp. 170 et 172) que les Esséens apparaissent pour la 1ere fois dans
la littérature maçonnique p. 221 de A
Defence of Masonry (Anderson 1738, 216-226) [voir aussi :
Les Constitutions d'Anderson - Textes de 1723 et 1738
(traduction Lamoine), Editions SNES, Toulouse, 1995] et réapparaissent
dans De la Maçonnerie parmi les Chrétiens (Schiffmann 1882 :
p.165) [indications fournies dans une lettre personnelle de A.Bernheim du 22
juin 2000]
[xxi]
voir A.Bernheim, La Stricte Observance,
Acta Macionica, 8, p.72
[xxii]
voir: P.Mollier, L'histoire des
templiers...telle qu'on la voyait aux XVIIe et XVIIIe siècles,
Renaissance Traditionnelle, 120, p.283; A.Lantoine,
Histoire de la franc-maçonnerie française - La franc-maçonnerie chez elle, Paris,
1925, p.131
[xxiii]Et
discrètement revendiqué par l'indication que 632 ans se sont écoulés en
1750 depuis 1118, année de fondation de l'Ordre des Templiers ('de notre
fraternité 632'), in: A.Kervella et
P.Lestienne, Un haut-grade templier dans des milieux jacobites en 1750,
Renaissance Traditionnelle, 112, p.264
[xxiv]
Ainsi que par le Guide des Maçons
Ecossais (Maître), Edimbourg, 58**, (1811?), pp.81-82; dans la cérémonie
du rituel de Quimper, l'impétrant entrait en portant en sa main la tête du
traître Abiram (l'un des noms des assassins d'Hiram) sur laquelle il donnait
trois coups de poignard, in: A.Kervella et
P.Lestienne, ibid., pp.256 et 259
[xxv]
Voir A.Bernheim, La Stricte Observance,
cit., p.72
[xxvi]
Les
textes rose-croix de 1614 et de 1615 devaient correspondre à des aspirations
mystiques nées dans les milieux protestants en réaction contre la sclérose
et le nouveau conformisme du luthéranisme officiel et des perspectives
offertes par l'Hermétisme, source possible, depuis Giordano Bruno, d'un
nouvel oecuménisme qui ne serait pour personne, catholique ou protestant, ni
un reniement ni une défaite, voir: F.A.Yates, Giordano Bruno and the hermetic tradition, Chicago, pp.407-416
[xxvii]
L'affinité entre la franc-maçonnerie et les fraternités de chevaliers
guerriers est soulignée par Anderson, voir:
Les Constitutions d'Anderson - Textes de 1723 et 1738 (traduction Lamoine), Editions SNES, Toulouse, 1995, pp.61 et
254; la liaison entre les rituels des hauts-grades chavaleresques et la littérature
de l'époque sur les ordres de chavalerie est fournie par J.Leschelle et
P.Mollier, Le manuscrit St-Domingue 1764
à la source du manuscrit Francken (III) - Le grade de GJGE ou Chevalier
Kadosch, Renaissance Traditionnelle, 120,
p.234
[xxviii]
en
réponse au 'Masonry dissected:...' (le titre est très long) de S.Prichard,
3e édition de 1730, in: D.Knoop, G.P.Jones, D.Hamer, The
early masonic catechisms, London, 1963
[xxix]Les
Constitutions d'Anderson - Textes de 1723 et 1738
(traduction Lamoine), Editions SNES, Toulouse, 1995, pp.273-275.
Est de 1744 la publication à Berlin d'une traduction 'massonique' en français
de la 'Consolation' de Boèce due
au sieur Du Fresne de Francheville, conseiller aulique de Frédéric II de
Prusse et membre de l'Académie des Belles Lettres de Berlin. A noter que
Francheville était lui-même français, mais dans ce siècle, en Allemagne et
en Europe en général, le français était d'utilisation courante dans les
milieux littéraires et dans la bonne société; des textes étaient, par
ailleurs, confectionnés et publiés directement en français par des auteurs
allemands. Or, on fait comprendre dans cette
traduction 'massonique' qu'il manque un chapitre à l'original de Boèce, car
on y trouve "plusieurs passages qui
semblent annoncer le dessein qu'il avoit d'en chercher les derniers
motifs ailleurs que dans la Philosophie" in: A.Lantoine,
Histoire de la franc-maçonnerie française - La franc-maçonnerie chez elle, Paris,
1925, p.133ss.
[xxx]
Présentés avec un grand sens de
l'humour, tous ces développements sont repris par: A.Lantoine,
cit., pp.
131-145
[xxxi]
A.Bernheim,
La
Stricte Observance,
Acta Macionica, 8, p.82
[xxxii]L’épuisement
financier conduit à la paix d’
Aix-la-Chapelle d’octobre 1748 qui laissa pratiquement les choses en l’état
sans, par ailleurs, résoudre aucun des conflits coloniaux qui opposaient la
France à la Grande Bretagne
[xxxiii]C.Guérillot,
Le
rite de perfection,
Trédaniel, Paris, 1993, pp.376-379; voir également P.Naudon, Histoire,
Rituels et Tuileur des Hauts Grades Maçonniques,
Dervy, Pais, 1984, pp.53-54 et 98-104
[xxxiv]
Arch, Notes
de lecture, Renaissance Traditionnelle, 115-116,
p.308
[xxxv]
A.Bernheim, Estienne Morin et
l'Ordre du Royal Secret, Acta macionica, 9,
p.11
[xxxvi]
Pour tous ces développements, on a
largement emprunté à: A.Bernheim, La Stricte Observance,
Acta Macionica, 8, p.67 ss, A.Bernheim,
Estienne Morin..., cit., p.11 ss. où
l'on retrouvera plusieurs considérations reprises dans le présent texte
[xxxvii]P.Mollier,
Imaginaire chevaleresque et FM au XVIIIe
siècle, Renaissance Traditionnelle, 99, p.128 ss. et 100, p.211
(où
l'on rappelle les Constitutions d'Anderson de 1723: "...les Ordres de
Chevalerie Militaire & Religieuse ont emprunté dans la suite des tems
plusieurs usages ou pratiques solemnels de la vénérable Fraternité"
[ultérieurement renforcé dans celles de 1738:
Les Constitutions d'Anderson - Textes de 1723 et 1738
(traduction Lamoine), Editions SNES, Toulouse, 1995, pp.61, 254] ;
le pamphlet de Dublin de 1724: "La...Loge...de Kilwinning il y a plus de
2000 ans, bien avant les Chevaliers de St Jean de Jérusalem ou les Chevaliers
de Malte..."; le Ramsay de 1737: "Nos Ancêtres les Croisés...convinrent
de plusieurs signes anciens & de mots symboliques...notre Ordre s'unit
intimement avec les Chevaliers de St. Jean de Jérusalem. Dès lors nos Loges
portèrent toutes le nom de Loges de St Jean..."; le témoignage de 1737
de l'avocat Barbier: "Nos seigneurs de la Cour ont inventé, tout
naturellement, un Ordre appelé des Frimassons, à l'exemple de
l'Angleterre...M.le Cardinal Fleury a cru devoir étouffer cet Ordre de
chevalerie dans sa naissance..."; voir: A.Bernheim,
La Stricte Observance, Acta Macionica,
8, pp.69 et 70; sur d'autres éventuelles (et non étayées de
preuves) liaisons entre les templiers et la franc-maçonnerie, voir: Bulletin
du Suprême Conseil de Belgique, 50, 1908, p.46
[xxxviii]Roi
d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande de 1625 à 1649
[xxxix]
Dans les constitutions de 1738, voir: Les
Constitutions d'Anderson - Textes de 1723 et 1738 (traduction Lamoine), Editions SNES, Toulouse, 1995, p.180
[xl]1722-1776,
hobereau
de Haute-Lusace, région placée aux frontières avec la Tchéquie, considéré
à la base de la 'Stricte Observance'
(voir A.Bernheim, La Stricte Observance,
cit., p.74-77; id., That 'Strict
Observance' Paper, Ars Quatuor Coronatorum, 110, pp.196-198)
[xli]R.Dachez,
Le Convent de Wilhelmsbad, Renaissance
Traditionnelle, 103-104, p.142
[xlii]A.Bernheim,
La Stricte
Observance,
cit., p.69; A.Kervella et P.Lestienne, Un
haut-grade templier dans des milieux jacobites en 1750,
Renaissance Traditionnelle, 112, pp.246-247
[xliii]
Renaissance Traditionnelle, Table Ronde,
118-119, pp.218-220
[xliv]A.Kervella
et P.Lestienne, Un
haut-grade templier..., cit.,,
p.250; le sentimentalisme jacobite persista néanmoins longtemps dans les îles
britanniques ('the king over the water')
[xlv]
Dubarailh
avait seulement 25 ans et avait été, pendant la guerre des Sept Ans (avec la
Grande-Brétagne et la Prusse) lieutenant du
corps des chasseurs de Berchiny, corps auquel était attachée une loge
militaire, et qui était commandé par Ladislas-Ignace de Berchiny, noble
hongrois au service du roi de France s’étant distingué en Allemagne,
notamment en Hesse, en 1757.
[xlvi]La
guerre des sept ans (1756-63)
ne
fut pas favorable à la France qui perdit ses colonies américaines
[xlvii]22
avril 1762, Willermoz: les Kadosch connaissent des secrets qui viennent des
Templiers apparus dans le nord en 1414 et qui ont donné origine aux
rose-croix; 13 septembre, Meusnier de Précourt, confirme l'origine templière
et l'intermédiaire rose-croix et dit: "heureux qui connaît la science
cabalistique et des nombres. je ne sais pas si tu connais un maçon qui la
connaisse; c'est un trésor; il peut te donner une intelligence très grande
et d'une grande ampleur"; de longs développements in: P.Naudon, Histoire,
Rituels et Tuileur des Hauts Grades Maçonniques,
Dervy, Pais, 1984, pp.53-54 et 98-104; P.Mollier,
L'Aigle
à deux Têtes,
Renaissance Traditionnelle,107-108, pp.176-180,
113, p.2
[xlviii]E.Gout,
Splendeurs et misères du Chevalier Kadosch au temps de la Première Grande
Loge de France, Ordo
ab Chao, Suppt.30e degré au n°27, p.11
[xlix]
ou
de la 'lumière intérieure': comme le suggère W.Oliemans, Tractatus
de gradu tricesimo, Bilthoven, 1971[obtenu auprès du Grand Orient des
Pays-Bas, grâce à Jan Snoek]
[l]
St. Bonaventure, Itinerarium mentis in Deum - Speculatio pauperis in deserto
(Caput VII: Deexcessu mentali et mystico, in quo requies datur intellectui,
affectu totaliter in Deum per excessum transeunte): "Trinitas
superessentialis et superdeus et superoptime
Christianorum inspector
theosophiae"
-voir
aussi : ‘inspector cordis’ dans Augustin
Serm.50,3 ;
[li]
Jacques de Molay, exécuté en 1314; Philippe IV le Bel, roi de France de 1285
à 1314; Clément V, pape de 1305 à 1314
[lii]La
légende templière sous une forme plus atténuée était cultivée également
dans un Chapitre dit de Clermont créé à Berlin en 1760 par un officier français
prisonnier de guerre -semble-t-il le marquis de Lernay-
qui de là influença toute une série chapitres créés en Allemagne
par la Loge-Mère 'Aux Trois Globes'. [Pour toute cette partie, voir :
P.Naudon, Histoire,
Rituels et Tuileur...,
cit., pp.53-54 et 98-104]
[liii]
Président d'une loge de Metz au cours des années 60 du XVIIIe siècle, négociant
de son état
[liv]A.Bernheim,
La
Stricte Observance,
Acta Macionica, 8, p.73; J.Léchelle et P.Mollier, Le
manuscrit Saint-Domingue 1764 à la source du manuscrit Francken,
Renaissance Traditionnelle, 120, pp.236
[lv]E.Gout,
Splendeurs et misères du Chevalier Kadosch au temps de la Première Grande
Loge de France, Ordo
ab Chao, Suppt.30e degré au n°27; P.Mollier,
Nouvelles Lumières sur la
Patente Morin, Renaissance Traditionnelle,
110-111, pp.128-130; id., L'aigle
à deux têtes II, Renaissance Traditionnelle, 113, p.2
[lvi]Voir
lettre rédigée dans le deuxième semestre 1763 par Brest de la Chaussée,
Grand Garde des Sceaux à la Grande Loge de France, reportée par
R.Désaguliers,
La Grande Loge de Paris ditte de France, Renaissance
Traditionnelle, 90, p.87 ;
la
correspondance entre les Loges de Metz et de Lyon où l'on illustre
l'apparition de 1761 est publiée in Steel-Maret, Archives
secrètes de la Franc-Maçonnerie, Collège métropolitain de France à Lyon,
IIe province dite d'Auvergne, 1765-1852,
Lyon, Librairie de la Préfecture, 1893, reportée par R.Amadou, Renaissance
Traditionnelle, n°100, p.50; voir aussi : C.Gagne,
Document, Ordo ab Chao, Suppt.30e
degré au n°29, p.32; C.Guérillot, Genèse
du Rite Ecossais Ancien & Accepté, Paris, 1993, p.128 ss.; dans le
courrier de 1761, on trouve la première apparition en maçonnerie de
l'"aigle d'or éployé portant une couronne de prince sur les deux têtes
et tenant un poignard dans ses serres", P.Mollier, L'aigle
à deux têtes I, Renaissance Traditionnelle, 107/108, p.176
[lvii]Ce
fut dans les années 60 du 18e siècle qu'on commença à se poser le problème
de trouver une solution pour enrayer le foisonnement des hauts grades [cercle
intérieur ou maçonnerie à deux vitesses]. On lit dans les archives de
Willermoz qu'en octobre 1760, pour remédier et prévenir toute innovation,
seule la très puissante et grande loge écossaise et la souveraine loge des
chevaliers de l'orient (en ce moment-là dernier grade et futur 17e) étaient
désignées par les francs-maçons lyonnais pour décider à cet égard. Cette
orientation était ratifiée en juillet 1761 par Chaillon de Jonville,
substitut général du comte de Clermont, grand régisseur de la première
grande loge de France. C'était sans tenir compte de l'individualité française
car déjà au printemps de cette même année, à l'insu de la grande loge de
France, des nouveaux grades étaient pratiqués tant à Metz qu'à Lyon et ce,
au delà des chevaliers de l'orient, càd
à Lyon le 'chevalier du soleil' préfiguration de notre 28e degré et le
'chevalier de l'aigle et du pélican', préfiguration de notre 18e degré;
quant à Metz, outre le degré de 'chevalier d'occident' d'origine suédoise
(et qui allait rejoindre ultérieurement le chevalier d'orient dans le 17e
degré), il fut créé déjà en 1761 le Conseil suprême des Chevaliers
Kadosch investi, d'après eux, d'une autorité supérieure à celle de la
Grande Loge. Il est probable que sous l'influence messine un Grand Conseil
Kadosh soit devenu le cercle intérieur et dirigeant de la Grande Loge d
France. En 1761 même, le Kadosh aurait été importé de Metz à Paris, où
il aurait pris d'office place comme ‘Nec plus Ultra’ de l'art Royal et où
son Conseil aurait constitué l'autorité centrale de la Première Grande Loge
de France" [voir littérature à la note précédente]
[lviii]M.Piquet,
Courrier
des lecteurs,
Renaissance Traditionnelle, 91-92, p.288
[lix]Jusqu'à
la fin de 1765, tous les maçons distingués étaient devenus GJGE, mais à
partir de là commencèrent les luttes pour s'emparer du collèges des
officiers de la Grande Loge et ce, moyennant un jeu de surenchère permanente.
Ainsi le frère Pirlet, maître tailleur rue d'Orléans St-Honoré, institua
en 1762 la dignité de Grand Empereur d'orient et ses adversaires pour faire
contrepoids réveillèrent le Souverain Conseil des Chevaliers de l'Orient de
France. De son côté le baron de Tschoudy élabora un grade nouveau
l'Ecossais de St André d'Ecosse. Le frère Pirlet revint à la charge en
annexant l'Occident à son Empire et donna naissance en 1766 au Souverain
Conseil des Empereurs d'Orient et d'Occident, sublime mère loge écossaise.
De ce fait, la Grande Loge décida en 1763 et formalisa [sous l'implulsion de
Tschoudy: C.Guerillot, La
genèse du rite écossais ancien et accepté,
Paris, p.91] en 1766 la décision de ne s'occuper désormais que des trois
premiers grades au détriment des grades plus élevés : "ne croyés
pas que ce soit l'ignorance sur ces grades qui nous inspire cette indifference
nous en avons une immensité et nous avons reuni presque toutes les
connoissances possibles.... notre unique but est de prevenir les schismes que
ces grades causeroient infailliblement si on entreprenoit de soutenir la bonté
des uns sur les debris des autres" (la Grande Loge elle-même se mettait
en sommeil au cours de la même année 1766). Dix ans plus tard le Grand
Orient va prendre une position analogue; R.Désaguliers, La
grande Loge de Paris, ditte de France, et les "autres grades",
Renaisssance Traditionnelle, 90, p.89; P.Mollier, Contribution
au grade de chevalier du soleil,
Renaissance Traditionnelle, 94-95, pp.82 et 83
[lx]
Tschoudy (1727-1769), vénérable à Metz, qui est supposé avoir introduit ce
qui sera en REAA le 29e grade
[lxi]Différence
par rapport au grade kadosch proprement dit: "...Un Grade plus moderne,
& qui malheureusement a gagné un crédit plus fort
& séduit un plus grand nombre de personnes de bonne foi, étayé
de toutes les amorces de l'ambition et de la cupidité, vient encore de sortir
récemment du sein de la Maçonnerie; c'est celui de G.J.G.E., ou Chevalier KADOS...", P.Mollier, Le
Chevalier du Soleil,
Renaissance Traditionnelle, 107-108, p.234
[lxii]P.Mollier,
Contribution à l'étude du grade de chevalier du Soleil,
Renaissance Traditionnelle, 1993, 94-95, p.82
[lxiii]
Pierre, prince de Bourbon-Condé, comte de Clermont, abbé de
St-Germain-des-Prés, 1709-1771
[lxiv]N'empêche
que les doutes sur le grade subsistaient et quelques répercussions arrivèrent
même en Amérique. En effet, Estienne Morin informa en 1769 les membres d'un
consistoire tenu à Kingston en Jamaïque qu'une enquête était faite à
Paris afin de savoir si les maçons qui s'étaient auto-appelés Chevaliers
Kadosch n'étaient pas des chevaliers templiers [C.Guerillot, La
genèse du rite écossais ancien et accepté,
Paris, 199r, p.153] et que, à Berlin et à Paris on avait décidé d'adopter
pour ce grade à l'avenir le nom de Chevalier de l'Aigle Blanc et Noir. En
tout cas, une patente décernée en 1770 à St.Domingue par Estienne Morin ne
mentionne plus que l'appellation 'chevalier de l'aigle blanc et noir' (voir,
Bernheim, Estienne
Morin et l'Ordre du Royal Secret,
Acta Macionica, volume 9, p.29); et le manuscrit Francken de 1783 à la
question= quel est ce nom? précise (les italiques sont les miens): Chevalier
Kadoch, mais
aujourd'hui
de l'Aigle noir ; J.Léchelle
et P.Mollier, Le
manuscrit Saint-Domingue 1764 à la source du manuscrit Francken,
Renaissance Traditionnelle, 120, pp.236 et
277
[lxv]P.Mollier,
Le Grand Chapitre Général de France, Renaissance
Traditionnelle, 106, p.84
[lxvi]tenant
de St Jean Eudes [opposant aux jansénistes et fauteur de l'amélioration de
l'enseignement religieux, 1601-1670] et victime des massacres de septembre
1792
[lxviii]E.Gout,
Splendeurs et misères du Chevalier Kadosch au temps de la Première Grande
Loge de France, Ordo
ab Chao, Suppt.30e degré au n°27, p.19
[lxix]
appelé
ultérieurement rite de
perfection. C'est
qu'entre temps, en 1761, Estienne Morin, ayant quitté Paris pour les Amériques,
ne parvint à St Domingue qu'en 1763, car il passa de Bordeaux aux Îles
britanniques où il fit des recherches approfondies. Il avait quitté la
France avec la patente et les grades de la sublime et parfaite Maçonnerie
dont le kadosch était le summum, lui confiés par la grande Loge de France et
le grand Conseil des Loges Régulières. En vertu de quoi, ce grade kadosch,
très souvent sous le nom de chevalier de l'aigle blanc et noir, avait prospéré
dans les colonies anglaises et françaises et fit donc incorporé d'abord par
Morin dans l'Ordre du Royal Secret, dénommé ultérieurement, mais
d'une façon indue et incorrecte, rite de perfection. Notre grade a donc occupé
successivement : le dernier rang de la hiérarchie messine en 21 degrés
avant d'occuper le vingt-quatrième rang dans l'ordre du royal secret qui
comportait 25 degrés et, enfin le 30 grade dans le REAA
qui en comporte 33, voir Bernheim, Estienne
Morin et l'Ordre du Royal Secret, cit.
et http://www.srmason-sj.org/council/temple/booklet/START.HTM
[lxx]
Comte Alexandre F.A. de Grasse-Tilly, 33e, 1765-1845, premier Souverain Grand
Commandeur (déc. 1804 - août 1806) du Suprême Conseil pour la France
[lxxi]
Encore en 1821, Delaulnaye s'exclamait: "..Ce n'est pas ici le lieu
d'examiner si les Templiers furent
innocens ou coupables. Mais que le Récipiendaire honnête réfléchisse sur
ce qu'il voit, sur ce qu'on lui propose, sur ce qu'on exige de lui, sous le
sceau d'un serment exécrable; il frémira sans doute à la seule pensée
d'entrer dans une pareille association. Moi,
rien que moi, tout à moi, tout pour moi, par tous moyens, telle est
l'odieuse morale de celui qui ose prendre le titre de SAGE, du vrai Kadosch, de l'Illuminé;
et l'on agite encore la question de savoir si les sociétés secrètes sont
dangereuses?" (Delaulnaye,
Thuileur des trente-trois degrés de l'écossisme,
1821, réédité en 1979 par les 'Editions d'aujourd'hui', p.219)
[lxxii]ibid:
"on compte du Kadosch huit espèces différentes suivant que le but que
l'on s'y propose est plus ou moins clairement exprimé"; Vuillaume, Manuel
maçonnique ou Tuileur,
1820, réédité par les 'Editions du rocher' en 1990, p.204: "...est même
très-varié dans ses rituels...le seul admis en France...est purement
philosophique..."
[lxxiii]
P.Naudon, Histoire, Rituels et
Tuileur des Hauts Grades Maçonniques, Dervy,
Pais, 1984, pp.357-358
[lxxiv]Un
long commentaire sur les malheurs des Templiers et leurs rapports avec la Maçonnerie
est contenu in Bulletin des Travaux du Suprême Conseil de Belgique, 50,
Bruxelles, 1908
[lxxv]W.Oliemans,
Tractatus de gradu tricesimo, Bilthoven,
1971[obtenu auprès du Grand Orient des Pays-Bas, grâce à Jan Snoek]; sur
les différentes familles de rituels kadosch: J.Léchelle
et P.Mollier, Le manuscrit Saint-Domingue 1764 à la source du
manuscrit Francken, Renaissance
Traditionnelle, 120, pp.235 et 236; voir aussi: C.Gagne, Documents
sur le Trentième Degré, Ordo ab Chao, Suppt.30e degré au n°29, p.27;
Grand Collège des Rites, 'Sources', Netoricol, novembre 1986
[lxxvi]certains
rituels kadosch, par exemple, ne comportent pas de thématique ‘de Molay' ;
par ailleurs, le 3e degré des ‘Anciens’ couvrait la thématique de la
punition des assassins d’Hiram ; voir A.Bernheim, La Stricte Observance, Acta Macionica, 8, p.70. L'intitulé kadosch
se trouve aussi dans les rites suivants: 65e grade Misraïm; 3e grade, 2e
temple Ecossisme réformé de Saint-Martin; 2e grade Ordre du Christ; 31e
grade Memphis; 2e grade, 7e classe, Grand consistoire de France; 13e grade
Irlandais; 28e grade Primitif de Namur (D.Ligou, voix 'Rite'
dans Dictionnaire de la franc-maçonnerie,
Paris, 1987)
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