Rivista di Massoneria - Revue de Franc-Maçonnerie - Revista de Masonerìa - Revista de Maçonaria |
---|
History Literature Music Art Architecture Documents Rituals Symbolism |
ÉTUDES MAÇONNIQUES - MASONIC PAPERSby W.Bro. ALAIN BERNHEIM 33°LA FRANC-MAÇONNERIE ALLEMANDE AU 20e SIÈCLEChaire Pierre-Théodore Verhaegen Université Libre de Bruxelles, 8 mai 1998
|
Mesdames
et Messieurs, Il y a
douze ans, de la chaire que vous m’avez fait l’honneur de m’offrir cette année,
honneur que je vous remercie de m’avoir accordé, un dominicain suisse, le Père
Georges Cottier, s’adressait à vous. Traitant la question difficile des
rapports entre l’Église romaine et la Franc-Maçonnerie, il disait: Le
dialogue ne suppose pas l’accord des interlocuteurs ni non plus que l’on arrive
à tout prix à un consensus, qui, notons le, ne serait en l’occurrence acquis
que grâce à des ambiguïtés [...] On peut ne pas partager la position de
quelqu’un tout en comprenant le pourquoi de cette position et le poids des
arguments sur lesquels il s’appuie.[1]
Pierre
Chevallier dont les travaux ont beaucoup contribué à éclaircir l’histoire de la
Franc-Maçonnerie française, - permettez-moi de saluer sa mémoire, car il vient
de disparaître le 10 avril -, écrivait de son côté en 1975: Le
rôle de l’historien n’est ni de condamner les uns, ni d’acquitter les autres.
L’histoire, contrairement à une opinion reçue, n’a pas à juger, mais à
expliquer et à faire comprendre. [...] Les mobiles des actes, des décisions,
voila ce qu’il faut élucider et c’est une tâche d’autant plus difficile que la
période que l’on scalpe et que l’on autopsie est plus proche de nous.[2] Les
réflexions de Paul Veyne, professeur au Collège de France, permettent d’affiner
les remarques précédentes. Il souligne que si, par définition, l’historien n’a
pas à juger, il ne peut assurément pas se passer de jugements de valeur: il les
rapporte, sans juger ces jugements. Mais Veyne ajoute aussitôt que s’il se
dispensait toujours de juger les jugements de valeur, l’historien risquerait
d’être victime de n’importe quelle imposture des hommes qu’il étudie et qu’il
ne faut pas croire les intéressés sur parole dans l’interprétation qu’ils
donnent de leur propre société.[3] Ces
remarques préliminaires vous permettent d’entrevoir les difficultés que soulève
la présentation en quelques minutes d’un panorama de l’histoire de la
Franc-Maçonnerie allemande au 20e siècle.
Il sera nécessairement incomplet, et je vous prie d’en excuser les
insuffisances et les lacunes. \ Vous
savez que le texte des Constitutions, approuvé par la Grande Loge de Londres en
1723, interdisait que des discussions religieuses ou politiques passent le
seuil de la loge. Or, au 20e siècle, ces deux thèmes sont au coeur
de la vie de la Franc-Maçonnerie allemande, sujet difficile et brûlant dont on
commence à peine à écrire l’histoire. Si
cette histoire est encore dans son enfance, c’est que les Francs-Maçons
allemands furent longtemps les seuls à l’écrire, c’est-à-dire à choisir d’abord
de la passer sous silence pour la transformer ensuite en épopée. De là
naquirent des légendes qui vous sont peut-être familières, une persécution
générale et indifférenciée des Maçons allemands, leur résistance, leur
‘camouflage’ - en allemand Tarnung -,
et la renaissance d’une Maçonnerie allemande épurée en 1945. La
réalité fut différente. Non seulement la récente ouverture au domaine public
des archives du Berlin Document Center
a confirmé ou révélé que plusieurs membres du parti nazi avaient accédé aux
plus hauts postes de responsabilité de la Maçonnerie allemande, une fois la
seconde Guerre Mondiale terminée, mais surtout, la lecture des documents
maçonniques des années 1920 et 1930 est accablante. Il
ne fait pas de doute que la majorité des obédiences allemandes a tenté de
travailler et de s’associer avec le nazisme avant même l’arrivée d’Hitler au
pouvoir. Elle a salué son avènement en soulignant que les thèses du nazisme
coïncidaient avec les principes qu’elle se glorifiait de défendre. Face
à cette majorité, une fraction infime - un millier de Maçons, moins d’un pour
cent - a organisé en 1930 une nouvelle Grande Loge, la Grande Loge Symbolique,
et s’est opposée au nazisme, à sa politique nationaliste, à ses thèses racistes
et antisémites. A l’honneur de cette opposition minoritaire, disons très fort
qu’elle s’est manifestée de la manière la plus courageuse par la parole et par
l’écrit jusqu’en mars 1933, date à laquelle elle décida librement de se mettre
en sommeil. Mais
- et c’est bien là où le bât blesse un Maçon d’aujourd’hui - cette Grande Loge
Symbolique était la seule Grande Loge allemande à ne pas être considérée
régulière, par la Franc-Maçonnerie allemande toutes tendances confondues, bien
sûr, mais aussi par les Francs-Maçonneries anglaise et américaine. Pour
tenter de comprendre comment tout cela a pu arriver, il est nécessaire de jeter
un coup d’oeil en arrière et d’établir brièvement la généalogie des obédiences
allemandes existant au début du 20e siècle. \ Un peu
plus de deux siècles sépare les 350 états du Traité de Westphalie de 1648 et
l’Allemagne unifiée par Bismarck en 1871. Ce morcellement se refléta
naturellement dans l’organisation de la Franc-Maçonnerie allemande au 18e et au
19e
siècles. La première loge commence ses travaux à Hambourg au mois de décembre
1737, une délégation de ses membres initie le prince héritier Frédéric le 15
août 1738, et la loge Aux Trois Globes est la première loge ouverte à Berlin le
13 septembre 1740 alors que Frédéric vient d’accéder au trône. Le 24 juin 1744,
elle prend le titre de Grande Mère-Loge
Nationale Aux Trois Globes Grosse
National-Mutterloge ("zu den
drei Weltkugeln"). Entre
1764 et 1782, se situe l’essor météorique de la Stricte Observance dont nous
parlerons demain. Le médecin-général des armées Zinnendorf, ancien membre des
Trois Globes, passe deux ans à la Stricte Observance, il en démissionne et en
1770 fonde une seconde obédience, la Grande
Loge Nationale (Grosse Landesloge) qui est reconnue par la Grande Loge anglaise
des Modernes en 1773. Cette Grande Loge Nationale adopte les rituels fort
particuliers que lui a transmis Eckleff, Maçon suédois dont le rôle fut aussi
important que celui de son homologue français, Estienne Morin. Elle ne
reconnaît pas les Constitutions d’Anderson de 1723. Son histoire traditionnelle
fait remonter l’origine de la Franc-Maçonnerie non pas aux tailleurs de pierre
du Moyen-Âge, mais à des Templiers réfugiés en Écosse après la mort de Jacques
de Molay en 1314. Dernier point fondamental: elle se définit comme un Ordre
chrétien. La
troisième obédience est issue de la loge Aux trois Colombes, créée par des
Français en mai 1760 au sein de la Mère-Loge Aux Trois Globes.[4]
A la suite d'une scission intervenue en son sein le 11 juin 1798, elle devient
la Grande Loge de Prusse et, en
1845, ajoute à son titre les mots Royal
York de l'Amitié (Grosse Loge von Preussen, genannt Royal York
zur Freundschaft). Pour
ces trois Grandes Loges de Prusse dont le siège est à Berlin, la
Franc-Maçonnerie est chrétienne par essence et, logiquement, elles n’acceptent
que des chrétiens comme membres et comme visiteurs, c’est-à-dire qu’elles
refusent les Juifs. Les cinq autres obédiences qui naissent au 19e
siècle à Hambourg, Bayreuth, Dresde, Francfort-sur-le-Main et Darmstadt
n’appliquent pas une telle restriction. On les dénommera au 20e
siècle Grandes Loges « humanitaires ». La
Franc-Maçonnerie allemande dont nous allons parler ce soir est donc divisée en
deux groupes qui se distinguent par l’attitude qu’elles adoptent par rapport à
ces critères. Mais ils se considèrent mutuellement comme réguliers et créent
l'Alliance des Grandes Loges Allemandes en 1872.[5] 1900
- 1935 ·
1900-1914 A la
suite de la guerre de 1870, du manifeste des loges parisiennes attaquant
l’Empereur et le prince héritier, de l’annexion de l’Alsace-Lorraine, les
relations maçonniques franco-allemandes sont devenues inexistantes. Cette
situation change lorsque la loge Cosmos
de la Grande Loge de France [6]
reçoit la visite de trois Frères allemands le 28 septembre 1900. [7]
Tel est le point de départ de relations d’amitié qui aboutirent au baiser
fraternel qu’échangent en 1902, au Congrès maçonnique de Genève, le Grand
Maître Bonnardot de la Grande Loge de France et le frère Ficke, Grand Maître de
la Grande Loge de Bayreuth.[8] Le
grand artisan de la réconciliation maçonnique franco-allemande fut le
radiologue Heinrich Kraft, Vénérable d’une loge allemande de Strasbourg.[9]
Au mois de septembre 1905, au Congrès de la Verein
deutscher Freimaurer qui se tient à Wilhelmsbad, il présente un rapport qui
recommande de reconnaître la Grande Loge de France, ce qui sera accompli le 3
juin 1906. L’année suivante, les Grands Maîtres allemands se rendent en
délégation officielle à Paris et le Convent du Grand Orient de France vote par
294 voix contre 49 la suppression de la page consacrée aux loges
d'Alsace-Lorraine dans son annuaire, page qui depuis 1871 était encadrée de
noir. Ce vote facilitera la reprise des relations entre le Grand Orient de
France et les Grandes Loges humanitaires allemandes, mais non avec les Grandes
Loges de Prusse. C’est
par contre à Berlin que se rend le pro Grand Maître anglais, Lord Ampthill.
Reçu par les trois Grandes Loges de Prusse, il déclare: ... tous les Maçons anglais accepteront avec plaisir des
relations plus étroites et plus fréquentes avec nos Frères de l’Allemagne
puisque tous leurs principes sont absolument les nôtres, puisque rien dans
leurs conceptions maçonniques n’est en conflit avec leurs devoirs sociaux,
moraux et religieux, et puisque l’histoire de leurs Grandes Loges est
intimement liée à celle de la Grande Loge d’Angleterre.[10] Les
trois Grands Maîtres prussiens viennent à Londres au mois de juin 1912. Dans
une allocution d’une chaleur exceptionnelle, Lord Ampthill, ira jusqu’à
admettre que la Franc-Maçonnerie anglaise néglige l’élément spirituel et
qu’elle devrait chercher la lumière chez ses Frères allemands.[11]
Signe des temps: Lionel Vibert entreprend la traduction des deux volumes de l’Histoire de la Franc-Maçonnerie en
Angleterre de Begemann.[12]
·
1914-1930 La
première Guerre Mondiale met fin à cette période de réconciliation. La Grande
Loge Royal York zur Freundschaft retranche Royal York de son titre, l’Alliance des
Grandes Loges Allemandes rompt ses relations avec les Francs-Maçonneries de
l’Entente et même avec la Franc-Maçonnerie suisse, la Grande Loge Unie
d’Angleterre décide de ne plus admettre comme visiteurs les Francs-Maçons
allemands, autrichiens, hongrois et turcs, décision qui ne sera annulée qu’en
1928.[13]
Dans un article paru en 1917, la Grande Loge Nationale attribue la
responsabilité de la guerre à « la
Franc-Maçonnerie internationale » et conclut: « 99 % de ceux qui se nomment Francs-Maçons sur
la terre resteront toujours nos ennemis héréditaires ».[14] Mais
la Franc-Maçonnerie allemande est en butte à des accusations attribuant la
défaite à un complot “judéo-maçonnique”. Accusations intolérables pour les
trois Grandes Loges prussiennes qui regroupent les deux tiers des Maçons
allemands et qui ont toujours refusé d’initier des Juifs. Elles vont donc
accentuer leurs positions ultra-nationalistes et durcir leur attitude vis-à-vis
des obédiences humanitaires. La
Franc-Maçonnerie allemande est également confrontée au développement de la
Fédération du Soleil Levant, née en 1907, dont l’esprit pacifiste et
“internationaliste” sont des tares inacceptables dans l’Allemagne de Weimar. Au
Congrès de Bâle de 1920, le Soleil Levant entre en contact avec la Grande Loge
de France et lui demande l’établissement de relations fraternelles. La Grande
Loge Nationale réagira par un article au ton révélateur, publié dans la Deutsche Zeitung en février 1921: La
Grande Loge Nationale sait qu’elle est d’accord avec toutes les autres Grandes
Loges allemandes qui partagent ses convictions patriotiques et chrétiennes pour
abhorrer les associations éhontées de pacifistes et d’internationalistes
grossiers qui ont renié leur patrie et encouru le mépris public en rêvant
follement de fraternité universelle. [...] La fédération du Soleil Levant],
cette Loge irrégulière [...] ces internationalistes, mendient la reconnaissance
de la Grande Loge de France, société de criminels qui ont joué le rôle de clubs
politiques et furent les plus ardents à réclamer une guerre d’extermination
contre l’Allemagne.[15]
La
Fédération du Soleil Levant est reconnue par la Grande Loge de France au mois
de septembre 1921. L’année suivante, les trois Grandes Loges de Prusse se
retirent avec éclat de l’Alliance créée en 1872 en prétextant que s’y
développent des tendances « pacifistes
et cosmopolites » et ajoute
: Une
frontière sépare fondamentalement la Franc-Maçonnerie humanitaire et l’ancienne
Franc-Maçonnerie prussienne. Nous, les trois anciennes Grandes Loges de Prusse,
nous refusons de prendre part au mouvement humanitaire de fraternisation
générale entre les peuples du monde [...] Pour ce qui est de la question
religieuse, nous sommes convaincus que la pure doctrine chrétienne nous a
apporté la lumière et la vérité [...] nous ne nous laisserons pas détourner de
notre voie et continuerons à n’accepter que des postulants se reconnaissant
avec nous dans le Christ.[16] La
Grande Loge zur Freundschaft modifie
sa Constitution en 1923: ses buts sont désormais définis comme étant « d’éveiller, de nourrir et de propager les
principes de la chrétienté et ceux de l’idéalisme, de la religiosité, des
moeurs, du sens de la fraternité et du patriotisme allemands. » Une de
ses loges de Regensburg adopte la croix gammée comme symbole maçonnique au mois
de septembre 1924. La même année, les trois Grandes Loges prussiennes adoptent
une déclaration commune hostile à la Grande Loge de Vienne, traitée de “pacifistes convaincus”. [17] La
Grande Loge de Bayreuth n’est pas en reste: en mars 1924, elle adopte le
drapeau allemand comme symbole maçonnique qui devra désormais être présent dans
ses Temples.[18] Un article
publié en 1925 par son Grand Maître adjoint, l’historien Bernhard Beyer,
illustre les contradictions du prétendu apolitisme de la Franc-Maçonnerie
allemande: il maintient qu'aucun rapprochement franco-allemand ne peut avoir
lieu tant que les dispositions du Traité de Versailles demeurent en vigueur et
dans le même souffle fustige la politique pacifiste des obédiences françaises.[19]
En 1926, sa Grande Loge interdit à ses membres d’appartenir aux Hauts Grades. Les
surenchères continuent. Alors que Mein
Kampf paraît à l’automne 1925, certaines loges de province trouvent que
Berlin ne prend pas de positions assez nettes sur les questions politiques.
Elles créent donc deux “cercles” réunissant des maçons de différentes
obédiences qui diffusent opinions racistes et antisémites. A Bielefeld, le
fondateur est un Frère Erich Awe auquel le Suprême Conseil d’Allemagne (DOR) décernera le 33° en 1949 avant de
le coopter comme membre actif. Le pasteur Hepp, fondateur du cercle de Wetzlar,
défend l’idée que « la
Franc-Maçonnerie est indiscutablement d’origine allemande et la
Franc-Maçonnerie anglaise en descend ».[20]
A
l’occasion de la St Jean 1926, la Grande Loge Nationale rappelle les
différences entre les races, voulues par le Créateur, et indique que l’Ordre
s’efforce d’élever un barrage contre le déluge catastrophique qu’amène la
non-observation de ces différences.[21]
Le 4 avril 1928, elle décide de ne plus reconnaître la Grande Loge de Bayreuth
qui permet à ses loges de ne pas avoir la Bible sur l'autel.[22]
Leo Müffelmann, l’un des rares Maçons francophiles de cette Grande Loge de
Bayreuth, la quittera deux mois plus tard, prenant les devants face à l’exclusion
dont il est menacé pour avoir eu l’audace d’échanger un baiser de paix avec
Arthur Groussier, Grand Maître du Grand Orient de France, à une manifestation
internationale organisée par l'A.M.I. à Belgrade en 1926. A
Londres, en 1928, deux loges qui travaillaient en langue allemande avant 1914
viennent de reprendre leurs travaux. Beyer, qui n’a jamais apprécié la
Franc-Maçonnerie française, en fait état [23]
et en profite pour souligner que si les Francs-Maçonneries française, belge et
italienne ont tout fait pour s’éloigner de la Franc-Maçonnerie allemande, la
Franc-Maçonnerie anglaise, au contraire, s’est toujours conduite de manière
« correcte » à son égard.
Conclusion de Beyer: rien ne s’oppose à la reprise de relations avec Londres. Il
est remarquable de constater que l’adoption des Basic Principles a été décidée par la Grande Loge Unie d’Angleterre
le 4 septembre 1929 dans ce contexte international. ·
1930-1933 Dans
ce même contexte, deux nouveaux corps maçonniques vont se créer en 1930, le Suprême Conseil pour l’Allemagne (Oberster
Rat für Deutschland) et la Grande
Loge Symbolique d’Allemagne (Symbolische
Grossloge von Deutschland). La 4e Conférence Internationale des Suprêmes
Conseils, réunie à Lausanne au mois de mai 1929, avait pris une décision importante.
Après avoir rappelé que « Dans les
pays où il n’existe pas de Grande Loge reconnue par le Suprême Conseil de la
juridiction, ce dernier conserve son droit imprescriptible de créer et
d’administrer des Ateliers Symboliques », elle avait confié aux
Suprêmes Conseils de Suisse et des Pays-Bas le soin d’étudier l’établissement
d’un Suprême Conseil en Allemagne.[24]
En fait, ce sont les Suprêmes Conseils de France et d’Autriche qui vont remplir
cette mission. Le
Suprême Conseil de France commence par décerner des grades écossais à une
centaine de membres de la Fédération du Soleil Levant, régularisés dans des
loges relevant de la Grande Loge de France, et installe trois Chapitres à
Stuttgart, Mannheim et Münich. A Berlin, le Suprême Conseil d’Autriche installe
deux ateliers, composés de Maçons allemands qui se sont réfugiés dans des loges
de Vienne, et élève au 33° leurs président,. Johannes Bing et Leo Müffelmann.
Deux mois plus tard, le 10 février 1930, Bing et Müffelmann fondent le Suprême
Conseil d’Allemagne. Le
Grand Commandeur Bing à trente-six ans. Né à Budapest où il est devenu Maçon et
docteur en philosophie, il a continué ses études à Oxford tout en exerçant le
métier de journaliste correspondant de l’United
Press et du New York Herald Tribune.
Son métier l’amène à Berlin, il vient visiter la loge que dirige Leo Müffelmann
et, avec lui, devient membre de la loge Labor,
à Vienne en Autriche. Le rapport rédigé par la délégation hollandaise qui vient
à Berlin installer le nouveau Suprême Conseil le 18 avril, décrit bien l’esprit
de ses membres : [...]
notre conviction est que des hommes d’honneur viennent de déclarer ouvertement
la lutte contre l’esprit nationaliste et dogmatiquement chrétien qui règne au
sein de la Franc-Maçonnerie allemande. Ils sont décidés à continuer ce combat
jusqu’à la victoire, même si celle-ci ne doit pouvoir être assurée que dans un
avenir lointain. En
juin 1930, une scission intervient au congrès annuel de la Fédération du Soleil
Levant : environ 600 membres, emmenés par des Maçons qui avaient été
régularisés par la Grande Loge de France, à leur tête le Frère Lachmund que
l’on retrouvera au sein de la Résistance allemande,[25]
prennent la décision de fonder une nouvelle obédience, la Grande Loge
Symbolique d’Allemagne. Qui allait les installer ? Ils s’adressent d’abord à la
Grande Loge de Bayreuth qui leur oppose un refus, puis à l’Alliance des Grandes
Loges Allemandes qui fait de même. En raison de l’atmosphère régnant dans le
pays, ils considèrent qu’il serait maladroit de s’adresser à une puissance
maçonnique étrangère, telle la Grande Loge de France ou celle d’Autriche. Et
comme ils viennent d’élire pour Grand Maître Leo Müffelmann, le Lieutenant
Grand Commandeur du Suprême Conseil pour l’Allemagne, c’est une délégation du Suprême
Conseil comprenant Raoul Koner, Ernst Rauschenbusch et Fritz Bensch qui
installe la Grande Loge Symbolique le 27 juillet à Hambourg. Leur
décision avait été prise en l’absence du Grand Commandeur Bing, en voyage à
l’étranger, qui les désavouera publiquement par une circulaire qu’il adresse le
22 août aux journaux allemands. Après une réunion du Suprême Conseil qui se
tient à Genève, Bing signe le surlendemain une seconde circulaire annulant la
première, mais il était trop tard. La presse maçonnique ironisa lourdement sur
ce conflit. Bing renonça à sa charge de Grand Commandeur. Son successeur,
Reber, fut élu le 6 septembre suivant. Müffelmann démissionne du poste de
Lieutenant Grand Commandeur où il est remplacé par Fritz Bensch. Le
Grand Commandeur de la Juridiction Sud des États-Unis, Cowles, refusera de
reconnaître le Suprême Conseil pour l’Allemagne. Montrant combien le climat
régnant en Allemagne lui est étranger, il explique à Bing et à Reber qu’il ne
pourrait établir de relations fraternelles avec leur Suprême Conseil que
lorsque celui-ci serait reconnu par au moins une des Grandes Loges allemandes
avec lesquelles les Grandes Loges américaines entretiennent des rapports
d’amitié. Aux
élections du 14 septembre 1930, le parti nazi remporte un succès inattendu avec
6 millions 400 000 voix et 107 sièges au Reichstag.[26]
Un mois plus tard, paraît le premier numéro des alten Pflichten, organe mensuel de la Grande Loge Symbolique.
Müffelmann explique que la nouvelle Grande Loge allemande a été fondée parce
que les Grandes Loges chrétiennes et humanitaires sont opposées à la notion de
chaîne d’union internationale et au Rite Ecossais Ancien et Accepté. Et, de
fait, l’unité des Grandes Loges allemandes se refait temporairement contre ces
deux intrus. Elles sont toutes à Weimar, le 26 octobre 1930, à l’exception de
la Grande Loge Nationale, pour s‘élever publiquement contre ces récentes "undeutsche Gründungen". Le même
jour, la Grande Loge Nationale décide d’ajouter à son nom les mots Ordre Germano-Chrétien (Deutsch-Christlicher Orden), une
déclaration officielle précisant que les postulants sauront ainsi clairement à
quoi s’en tenir sur ses principes. Au
mois d’août 1931, le Grand Maître de la Grande Loge de Hambourg, Richard Bröse,
adresse au nom de son obédience une lettre ouverte à Hitler. Il ne peut pas
croire qu’Hitler accorde foi aux accusations portées contre la Franc-Maçonnerie
dans la presse et offre de lui ouvrir les archives de sa Grande Loge. Si leur
examen devait permettre d’y déceler le moindre indice d’une conduite contraire
aux intérêts du pays, il se déclare prêt à dissoudre son obédience.[27]
Le
Grand Maître Müffelmann réagit dans les alten
Pflichten qui consacrent quatre pages en décembre 1931 au thème
Franc-Maçonnerie et nazisme: De
telles lettres [...¨] sont de nature à donner raison à Rosenberg.[28]
La véritable Franc-Maçonnerie voit bien aujourd’hui où se trouve son devoir. Le
but de la véritable Franc-Maçonnerie est de lutter contre le bolchevisme, le
fascisme, le national-socialisme. En dépit de toutes les contradictions, elle
se place aujourd’hui aux côtés de l’Eglise romaine pour défendre [...]
l’humanisme et le genre humain [...] La lutte a commencé. Il y va de la défense
commune de la culture occidentale. La rivalité entre la Franc-Maçonnerie et le
catholicisme doit s’effacer pour laisser la place aux grandes notions de
Liberté et d’Humanité. Les
contacts entre Londres et Bayreuth se concrétisent. Au mois de septembre 1931,
Seiflow, le Vénérable de la Pilgrim’s
Lodge de Londres, qui est né de parents allemands, demande a Beyer de lui
adresser un panorama de la Franc-Maçonnerie allemande « qui serait très intéressant pour notre
Grande Loge ». [29] Le 15
janvier suivant, il annonce à Beyer que la Grande Loge d’Angleterre s’est
décidée à échanger des garants d’amitié avec la Grande Loge de Bayreuth.[30]
L’établissement de ces relations a une conséquence immédiate: trois mois plus
tard, les Grandes Loges de Berlin rompent avec Bayreuth, et la Grande Loge de
Darmstadt décide, elle aussi, de quitter ce qui restait encore de l’Alliance
des Grandes Loges Allemandes. Dans
les alten Pflichten de février 1932,
le Grand Maître Müffelmann revient à la charge: « Mes prises de position ont déclenché de nombreuses discussions au sein
de notre Grande Loge. Il en est ressorti une position unanime opposée au
nazisme. Le nazisme est l’ennemi de la Franc-Maçonnerie. La Franc-Maçonnerie se
tient, elle doit se tenir, prête au combat contre lui ». En
avril 1932, au second tour de l’élection présidentielle, Hindenburg obtient
plus de dix-neuf millions de voix et Hitler plus de treize. von Heeringen
déclare au nom de la Grande Loge Nationale qu’il ne voit pas l’ombre
d’inconvénient à ce que ses membres adhèrent au parti nazi. Witt-Hoë,
dignitaire de la même obédience, soutient avec un aveuglement remarquable que Mein Kampf ne contient rien contre la
Franc-Maçonnerie. [31] En
juin, la Grande Loge de Bayreuth publie une brochure de quarante pages pour
justifier la reprise de ses relations avec l’Angleterre. La presse maçonnique
internationale, affirme Beyer, tente de faire croire que ce ne seraient pas
seulement les Grandes Loges de Prusse qui seraient passées dans le camp nazi,
mais également les Grandes Loges humanitaires. Du coup, les Grandes Loges
européennes se sont détournées de nous, elles ont reconnu la Grande Loge
Symbolique qui est irrégulière, et la Franc-Maçonnerie allemande régulière se
trouve encerclée. Or, explique-t-il, la Grande Loge Unie d’Angleterre est la
seule à s’être refusée catégoriquement à reconnaître la Grande Loge Symbolique.[32]
Son aide est donc la bienvenue. Et Beyer d’ajouter, non sans naïveté: Certes,
la Franc-Maçonnerie anglaise ne fait pas de politique, mais tous les hommes
politiquement influents se trouvent dans les Loges. [...] nous ne pouvons pas
refuser la main qui nous est tendue de l’autre côté de la Manche et rejeter la
Grande Loge d’Angleterre du côté de la Franc-Maçonnerie française.[33] Aux
nouvelles élections du 31 juillet 1932, les nazis triomphent en obtenant près
de 14 millions de voix, ce qui en fait le premier parti au Reichstag. Le 30
janvier 1933 voit l’avènement du 3e Reich. Hitler est nommé chancelier. Le
21 mars, la journée de Potsdam consacre la fin de la République de Weimar. Le
Grand Maître de la Grande Loge de Saxe et les trois Grands Maîtres de Prusse
adressent des télégrammes de félicitations à Hitler qui leur répond en les
remerciant.[34] ·
1933 ET APRÈS La
Grande Loge Symbolique aura été la seule obédience allemande à adopter des
positions résolument opposées au nazisme. Et ce sera la seule, avec le Suprême
Conseil, à décider spontanément de se mettre en sommeil dans les derniers jours
de mars 1933. Ses dirigeants sont arrêtés par la Gestapo et internés.[35]
Une intervention américaine, due au Grand Commandeur Cowles, permettra leur
libération le 26 novembre. En février 1934, après de nouveaux interrogatoires,
ils seront forcés de signer une déclaration affirmant qu’ils n’avaient pas subi
de mauvais traitements, ce qui, bien sûr, était faux. En
avril, Müffelmann retourne en Palestine où il avait installé une loge de la
Grande Loge Symbolique en mars 1931. Cette fois-ci, il vient installer la
Grande Loge Symbolique en Exil et, muni d’un document que lui avaient remis les
membres du Suprême Conseil en juin 1933 le nommait Grand Commandeur à titre
provisoire (kommissarisch), le 24
avril, il investit Emanuel Propper du pouvoir d’élever des Frères dans les
grades du Rite Ecossais jusqu’au 33° et de faire tout ce qu’il estimera
nécessaire pour le bien du Rite.[36]
Malgré les objurgations de ses Frères, il repart pour l’Allemagne et meurt à
Berlin le 29 août 1934 des suites des sévices que la Gestapo lui avait
infligés. Si,
pendant ce temps, les Grandes Loges humanitaires tentent sans grand succès de
sauver ce qui leur paraît pouvoir l'être en se transformant en sociétés
profanes excluant les “non-aryens”, les trois obédiences prussiennes adoptent
une attitude radicalement différente. Nous pouvons suivre son déclenchement
grâce aux circulaires que la Grande Loge Aux Trois Globes adresse à ses loges au
mois d’avril 1933. Voici la première, datée du 11 avril :[37]: Dans
la matinée du lundi 11 avril, le Grand Maître de la Grande Loge Nationale, von
Heeringen, est venu à notre siège à Berlin. Il nous a communiqué la substance
de son entretien du vendredi 7 avril avec le ministre Göring [...] Celui-ci lui
a déclaré qu’il n’y avait pas de place pour la Franc-Maçonnerie dans un état
national-socialiste fondé sur le fascisme. Le Grand Maître a déclaré en tirer
les conséquences: la Grande Loge Nationale cesse d’exister en tant qu’Ordre
maçonnique mais se perpétue sous le nom d’Ordre germano-chrétien des Templiers.
{...] Il
nous apparaît particulièrement regrettable que le Grand Maître ne nous ait pas
informé du contenu de ces entretiens samedi ou dimanche dernier, privant ainsi
notre réunion annuelle extraordinaire de la possibilité de voter des
résolutions dans le même sens. [...] II est nécessaire d’agir immédiatement et
de ne pas perdre un instant. [...] Nous avons décidé de remplacer notre titre
par celui d’Ordre National-Chrétien Frédéric le Grand. [...] Nous vous prions
de nous adresser la déclaration suivante: nous nous déclarons d’accord avec les
décisions énumérées ci-dessus et avec toutes celles que la direction nationale
pourrait être amenée à prendre. Le lendemain,
l’ancienne Grande Loge Aux Trois Globes s’adresse par écrit à la direction du
parti nazi: Depuis
près de 200 ans, notre Ordre a toujours refusé d’accepter les Juifs. [...] Nous
pensons qu’il ne demeure aucune raison pour refuser à nos membres l’entrée dans
le parti national-socialiste. Nous ne sommes pas des Francs-Maçons. Laissez la
voie libre à 20.000 hommes aux sentiments patriotiques pour collaborer à la
construction de l’État national-socialiste.[38] Le
19 avril, une nouvelle circulaire précise: Les
modifications que nous avons introduites sont strictement conformes aux
exigences du parti national-socialiste [...] En conséquence, nous ne pouvons en
aucune manière être considérés comme des Francs-Maçons camouflés, nous ne
sommes plus des Francs-Maçons. [...] Nous avons reçu de si nombreuses réponses
des Loges que nous avons déjà une majorité des deux tiers favorable à nos
modifications.[39] La Grande Loge
de l’Amitié se rebaptise Ordre Germano-Chrétien de l’Amitié et publie une
déclaration qui contient les mots suivants: Ne
peuvent devenir membres de l’Ordre que des hommes de descendance aryenne. Les
Juifs et les marxistes en sont exclus. Le serment du secret n’existe plus.
L’Ordre se veut une école de chefs, la pépinière d’une communauté germano-chrétienne
conservant la précieuse tradition spirituelle des anciens Germains pour servir
à la construction du nouvel État.[40] Le
20 avril, dans une circulaire commune avec l’Ordre Frédéric le Grand, l’Amitié
annonce adopter la croix gammée comme insigne des Maîtres de loges et comme
symbole de la lumière.[41]
Nous connaissons les “rituels” que les trois Grandes Loges de Prusse rédigèrent
et adoptèrent durant l’été 1933.[42]
Ils ne méritent pas d’être cités. Un décret du Maître (O+M) de l’Ordre des Templiers décide le renvoi des membres
qui ne sont pas de descendance aryenne ou qui ont épousé une juive. Un Mémoire
de l’ancienne Grande Loge de l’Amitié, daté de Pâques 1934, déclare: « Nous servons fidèlement Adolf Hitler [...]
nous nous plaçons sur le terrain des
idées nationales-socialistes [...] » L’interdiction
de la Franc-Maçonnerie interviendra malgré tout le 17 août 1935. Toutes les
loges qui existaient encore seront alors dissoutes. \ 1945-1958 Le
développement de la Franc-Maçonnerie allemande aux 18e et 19e siècles s'expliquait par le
morcellement de l'Allemagne en états de taille et d'importance fort diverses.
Les événements qui commencent en 1945 doivent être lus en se rappelant que
l'Allemagne était alors divisée en zones d'occupation militaires étanches. ·
VERS LA GRANDE
LOGE UNIE DE 1949 Les
premières réunions maçonniques ont lieu à Hambourg en juin 1945, [43]
mais c’est de Francfort, en zone américaine, que va venir l’impulsion majeure
en 1947. Les 14 et 15 juin, un convent réunit 21 membres de toutes les anciennes
obédiences allemandes, à l’exception de la Grande Loge Nationale. L’animateur
en est August Pauls, un avocat qui vient de quitter Magdebourg en zone
soviétique. et que les autorités américaines ont autorisé à ouvrir un cabinet à
Francfort. [44] Le groupe qui
se forme sous sa direction se donne pour but d’éliminer la distinction qui
existait avant la guerre entre Grandes Loges humanitaires et chrétiennes. Ce
but ne sera jamais atteint, la Grande Loge Nationale affirmant à différentes
reprises qu’elle tient à conserver ses rituels, son organisation hiérarchique
dans laquelle les hauts grades jouent un rôle essentiel, et son caractère
d’Ordre chrétien. Au
gré des autorisations accordées par les responsables des zones d’occupation,
des Grandes Loges se forment dans les différents Länder. Leurs Grands Maîtres se réunissent à Francfort le 15 mai
1948 et décident d’accepter - mais en les régularisant - les membres de la
Grande Loge Symbolique et de la Fédération du Soleil Levant.[45]
A Würzburg, début octobre, ils mettent au point la Loi Fondamentale de la
nouvelle Grande Loge Unie qu’ils vont créer et se mettent d’accord, à
l’exception du représentant de la Grande Loge Nationale, Friedrich August
Pinkerneil, sur un texte en sept articles. Le premier Grand Maître sera Theodor
Vogel qui vient de succéder à Beyer à la tête de la Grande Loge de Bavière à
Bayreuth. En
janvier 1949, de nouvelles discussions avec la Grande Loge Nationale
n’aboutissent pas.[46]
La Grande Loge Unie va se faire sans elle. Au cours de cette réunion, une
résolution solennelle, adressée aux Francs-Maçons du monde entier, marque la
naissance de la légende: Le
national-socialisme qui en 1933 balaya les loges maçonniques allemandes a
infligé d’épouvantables blessures à la culture humaine. Même si personne dans
nos rangs n’a participé à ces crimes, personne qui intérieurement ou
extérieurement se soit senti lié à la violence meurtrière du 3e Reich, même si beaucoup d’entre nous
furent opposants et victimes de ce Reich, il n’en demeure pas moins qu’en tant
qu’Allemands, nous sommes conscients du devoir qui nous incombe de contribuer
de toutes nos forces à la guérison des blessures. [...] A l’heure où notre
peuple et son État tomba entre les mains de criminels inhumains, nous étions
trop faibles pour nous opposer à eux.[47] Ce
texte est reproduit dans la brochure publiée en 1949 par la National Masonic Association,
organisation américaine caritative qui envoie une délégation pour évaluer
l’aide à accorder aux Francs-Maçons allemands. Pas un mot n’y évoque le courage
de la Grande Loge Symbolique, rien n’y stigmatise l’attitude des Grandes Loges
de Prusse. On y lit le tableau imaginaire d’une Franc-Maçonnerie allemande
persécutée dont toutes les loges auraient été interdites en 1933. Deux
ans d’efforts ont permis à la Grande Loge Unie des Francs-Maçons d'Allemagne (Vereinigte Grossloge der Freimaurer von
Deutschland ou VGL) de rassembler
174 loges.[48] Elle est
installée à Francfort-sur-le-Main, le 19 juin 1949.[49] · VERS LES GRANDES LOGES UNIES DE 1958 Au
mois de septembre 1951, les relations de la Grande Loge Unie avec le Grand
Orient de France - parmi les invités de juin 1949 se trouvait son Grand Maître
Louis Bonnard - deviennent plus étroites grâce à la visite à Paris du Grand
Maître Vogel qu'accompagne un vieil ami de la France, Raoul Koner. Sous la
pression des États-Unis, ces relations sont rompues le 13 décembre 1952, au
cours d'une rencontre entre les Grands Maîtres Chevallier, Viaud et Vogel à
Offenburg.[50] Pour
bien marquer sa différence, la Grande Loge Nationale fonde à Berlin, le 29
avril 1952, l'Alliance des Grandes Loges Maçonniques chrétiennes d'Allemagne (Bund christlicher Freimaurer - Grosslogen
Deutschlands) avec la Grande Loge Aux Trois Globes. Le 13 février 1953,
elle est reconnue par la Grande Loge de Suède. L'Angleterre
va alors intervenir de tout son poids pour forcer les obédiences allemandes à
s’unir. Deux dignitaires de la Grande Loge Nationale sont invités à Londres le
18 février 1954. Le 11 décembre et le 8 janvier suivant, ils reprennent leurs
pourparlers avec la Grande Loge Unie de Vogel. A cette occasion la Grande Loge
Nationale admettra - en une formulation peu conforme à la vérité - ses
errements du passé et déclarera admettre [désormais] comme visiteurs les Frères
réguliers appartenant à d’autres confessions [que les chrétiens].[51]
Néanmoins, ces nouvelles réunions ne parviendront pas à déboucher sur un
accord.[52] Le 5 décembre 1956, sans en prévenir la Grande Loge de
Suède, la Grande Loge Unie d'Angleterre décide de reconnaître la Grande Loge
Unie d’Allemagne, ce qui a pour résultat d’isoler la Grande Loge Nationale. Le 14 juin 1957, une nouvelle
conférence réunit à Londres les représentants des Maçonneries britannique et
scandinave qui exhortent les Allemands à s’unir.[53]
Projets et contre-projets se succèdent encore pendant un an. Le 27 avril 1958,
après plus de douze ans de pourparlers, la Grande Loge Nationale et la Grande
Loge Unie parviennent enfin à tomber d'accord sur les termes de leur union,
concrétisés dans un texte intitulé Magna
Carta.[54] La nouvelle
obédience s’appellera Grandes Loges Unies d'Allemagne, au pluriel.[55]
C'est encore Theodor Vogel qui en est le premier Grand Maître. Dans son
organisme directeur, le Sénat, chacune des parties contractantes est
représentée par quatre membres et deux suppléants. L’union est ratifiée le 17
mai 1958. Chaque obédience se réunit en convent pour approuver la Magna Carta, la Grande Loge Nationale à
Berlin le matin, la Grande Loge Unie à Wiesbaden l'après-midi.[56] L’APRÈS
1958 Il
faut maintenant pour les Grandes Loges Unies d'Allemagne obtenir la
reconnaissance des trois Grandes Loges britanniques, puisqu'il s'agit d'une
nouvelle obédience. Cette reconnaissance aurait semblé aller de soi. Or, tel
n'est pas le cas en raison de la présence conjointe - que les trois Grandes
Loges britanniques prétendent subitement découvrir - des Grandes Loges Unies
d’Allemagne et de la Grande Loge de France au sein de la Convention de
Luxembourg.[57] Ce problème est mis à l'ordre du jour d’une nouvelle
conférence à Londres, le 30 octobre 1959. Elle réunit de hauts dignitaires des
Grandes Loges d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, le Grand Maître adjoint des
Grandes Loges Unies d'Allemagne Pinkerneil qui remplace le Grand Maître Vogel
malade (ou défaillant), et le Grand Maître Davidson ainsi que le Frère Hofman
pour les Pays-Bas.[58]
Pour être reconnues, les Grandes Loges Unies d’Allemagne
seront mises dans l’obligation de rompre avec la Grande Loge de France, rupture
accomplie le 2 novembre 1960. · LES ÉVÉNEMENTS DE 1961 Revenons
sur le Suprême Conseil d’Allemagne pour comprendre ce qui va lui arriver en
1961. Le Lieutenant Grand Commandeur Bensch avait été fait prisonnier par les
Soviétiques. Il mourut à Berlin, peu après son retour de captivité, le 28 août
1945. Quelques jours plus tôt, il avait nommé Raoul Koner Grand Commandeur par
intérim et affilié August Pauls comme membre du Rite en Allemagne.[59]
Le
Suprême Conseil tient sa première réunion à Francfort, le 1 juin 1947 et
décerne le 33° à plusieurs Frères dont le futur Grand Maître Vogel. Pauls est
élu Grand Commandeur le 1 novembre et le restera jusqu’à sa mort, le 31 août
1956. Le Suprême Conseil sera assez rapidement reconnu par la plupart des
juridictions du monde entier.[60]
Le 13 mai 1952, Pauls assiste à la réunion des Grands Commandeurs Européens à
Lausanne. Il y présente un historique de son Suprême Conseil et déclare :
« Aucun Fr\ qui a
collaboré avec les Nazis n’est toléré et ne peut faire partie du Rite [...]
nous n’avons dans nos rangs aucun membre
qui a fait partie d’organisations criminelles de Hitler ».[61]
Je ne sais pas si Erich Awe, qui avait été le fondateur du “cercle”
d’extrême-droite de Bielefeld en 1925, a été membre du parti nazi. Toujours
est-il qu’Awe avait reçu le 33° de Pauls en février 1949 et que six semaines
avant de se rendre à Lausanne, Pauls avait procédé à son installation comme
président de l’atelier du 30° de Bielefeld. A
la mort du Grand Commandeur Pauls, le Suprême Conseil élit Georg Geier pour son
successeur en février 1957. Geier ancien membre de la Fédération du Soleil
Levant et fondateur de la Grande Loge Symbolique, avait été élevé au 33° lors
de la réunion de Francfort en 1947 et coopté le même jour comme membre actif.
Geier meurt le 1 septembre 1960. Les discussions sur le choix d’un nouveau
Grand Commandeur commencent au moment même où les Grandes Loges Unies
d’Allemagne rompent avec la Grande Loge de France. Au
cours d’une réunion du Suprême Conseil, le nom de l’Ancien Grand Maître Vogel
est avancé. Il décline la proposition et suggère la candidature de Walther
Hörstmann.[62] Lors de sa
réunion du 19 novembre, après avoir entendu la lecture d’une lettre écrite par
Hörstmann le 4 mai 1933, le Suprême Conseil estime souhaitable que « le passé d’un candidat ne soit pas
hypothéqué par son attitude pendant la période 1933-1945 ».[63]
En 1933, Hörstmann avait 34 ans et appartenait à la Grande Loge Nationale
depuis dix ans. Dans cette lettre, adressée aux Frères de sa loge de Celle,
Hörstmann expliquait que la direction locale du parti nazi exigeait sa
démission de l’Ordre Germano-Chrétien (l’ancienne Grande Loge Nationale) avant
de pouvoir l’accepter comme nouveau membre. Refusant d’être considéré comme un
citoyen de deuxième classe en raison de son appartenance à une organisation
suspecte, Hörstmann présentait sa démission. Deux
autres candidatures furent alors envisagées: celles des Frères Koner et
Schalscha.[64] Peu de
temps après cette réunion, le Suprême Conseil apprenait qu’un petit groupe de
ses membres réunis avec le Frère Pinkerneil avait émis l’opinion que l’élection
du Frère Schalscha pourrait s’avérer négative pour l’image du Suprême Conseil
en raison de son origine juive. Schalscha retira alors sa candidature. Le 14
janvier 1961, jour de l’élection, le Suprême Conseil découvre que Raoul Koner
vient d’être radié par les Grandes Loges Unies en raison d’articles peu
indulgents pour l’Angleterre qu’il a publiés dans Eleusis, la revue du Suprême Conseil. Erich Schalscha est alors élu
Grand Commandeur. Le vote fut attaqué par Vogel, Doerper et Hörstmann sur la base
d’arguments juridiques dont la validité ne fut pas été reconnue. Tous les trois
adressèrent alors leurs démissions au Suprême Conseil, le 7 mai 1961.[65]
Dans
le courant de l’été, Vogel publia deux écrits polémiques dont l’un reproduisait
sur soixante pages une sélection d’articles parus dans la presse maçonnique en
1930 et 1931, attaquant violemment le Suprême Conseil et la Grande Loge
Symbolique en vertu des critères de l’époque. Hörstmann
publia de son côté une brochure de vingt pages incluant le texte de plusieurs
documents le concernant, notamment sa lettre de 1933 et les deux jugements qui
l’avaient acquitté.[66]
Le premier avait été rendu le 13 octobre 1948 par le jury d’honneur de la
Grande Loge provinciale de Basse-Saxe de la Grande Loge Nationale devant lequel
sa lettre de 1933 avait été lue. Le jugement était bref: « Le jury constate que le F Hörstmann peut
sans restrictions continuer à appartenir à la Franc-Maçonnerie », mais
l’un de ses attendus mérite d’être reproduit: Le
jury a constaté qu’à cette époque [1933], des Maçons occupant une situation
éminente ont approuvé ouvertement la manière de voir du nouveau gouvernement
[celui des nazis] et qu’ils occupent
néanmoins aujourd’hui [en 1948] à
nouveau des postes dirigeants dans la Franc-Maçonnerie [mes italiques]. Si
le Frère Hörstmann a partagé leur opinion - comme le firent d’autres dirigeants
- mais a fait un pas de plus en démissionnant de l’Ordre, ceci, aux yeux du
jury d’honneur, ne saurait avoir constitué une atteinte à ses devoirs maçonniques
et doit au contraire être porté à son crédit... [67] La
mise au point que le Suprême Conseil publia au mois d’août 1961 apporte deux
éléments inédits. Elle mentionne d’une part les démarches entreprises par Vogel
auprès du Grand Commandeur du Suprême Conseil d’Angleterre, Loyd, en vue de
créer un second Suprême Conseil en Allemagne. D’autre part le Suprême Conseil
relevait que la publication de documents des années 1930 « constituait une grave atteinte à l’accord
conclu en 1946, selon lequel les événements survenus entre 1920 et 1935
seraient recouverts du manteau de l’oubli et passés sous silence ».[68]
Je
ne connais que deux autres allusions à un tel accord dont l’existence même
semble avoir été tenue secrète [69]
mais il explique pourquoi il fallut attendre 1964 pour que des documents
maçonniques remontant à l’époque nazie soient publiés pour la première fois.[70] ·
PROBLÈMES AVEC
LES SUPRÊMES CONSEILS AMÉRICAINS (1967-1972) Des
incidents non moins graves devaient survenir quelques années plus tard. Après
que le Grand Orient et la Grande Loge de France aient conclu un Traité
d’Alliance Fraternelle, on sait qu’un deuxième Suprême Conseil avait été fondé
en 1965 à Paris sous la direction de Charles Riandey. Sa régularité fut l’objet
de nombreuses discussions. Au mois de juin 1967, à la IXe Conférence Internationale de
Bruxelles où quatorze Suprême Conseils étaient représentés, six délégations,
dont celle d’Allemagne, quittèrent la Conférence après avoir protesté contre la
présence de représentants du Suprême Conseil Riandey.[71]
Avant
que l’année soit écoulée, la juridictions Nord des États-Unis décidait de
suspendre ses relations avec le Suprême Conseil d’Allemagne et la Juridiction
Sud décidait de les rompre. Parmi les raisons invoquées par cette dernière
juridiction, outre ses relations avec des corps qualifiés d’irréguliers, le
Suprême Conseil d’Allemagne était accusé d’avoir renoncé à la croyance en Dieu,
Grand Architecte de l’Univers, et de manquer de respect envers la Bible. Après
que le Suprême Conseil d’Allemagne ait accepté d’apporter des modifications à
sa Constitution et à ses rituels et qu’une délégation de ses membres ait
effectué en juin 1968 un voyage à Boston, ses relations avec la Juridiction
Nord seront reprises trois mois plus tard. Mais il devra attendre quatre ans
pour que celles-ci soient rétablies avec la Juridiction Sud au mois de novembre
1972.[72] Au
mois d’octobre 1970, les Grandes Loges Provinciales Britannique et
Américaine-Canadienne situées sur sol allemand devinrent membres des Grandes
Loges Unies d'Allemagne. Une importante modification sera apportée à la Magna Carta concernant la répartition
des sièges au sein du Sénat, celui-ci comprenant désormais onze membres, chacun
flanqué d’un suppléant.[73] ·
LES
POURPARLERS AVEC L’ÉGLISE CATHOLIQUE ROMAINE (1968-1980) Les
premiers contacts entre la Franc-Maçonnerie allemande et l’Église catholique,
commencèrent en 1961 avec la rencontre du Grand Maître Vogel avec le R. P.
Riquet et M Alec Mellor, puis entre le successeur de Vogel, le Grand Maître
Pinkerneil, avec le cardinal Bea.[74]
Le concile Vatican II (1962-1965) donna l’occasion d’autres contacts entre un
consultant du Secrétariat pour les non-croyants, Mgr de Toth, et l’Ancien Grand
Maître Vogel, puis d’une rencontre de ce dernier avec le cardinal König à Vienne
en octobre 1968. Dans la note que Theodor Vogel rédige pour résumer cet
entretien, on éprouve un certain malaise en lisant qu’il compara la lutte de
l’Église catholique contre la dictature du prolétariat avec celle de la
Franc-Maçonnerie allemande contre la dictature d’Adolf Hitler.[75] Une
commission fut alors discrètement constituée réunissant des représentants de
l’Église catholique et de la Franc-Maçonnerie de langue allemande - quatre pour
les Grandes Loges Unies d’Allemagne, deux anciens Grands Maîtres de la Grande
Loge d'Autriche auxquels sera adjoint un Bâlois, ancien Grand Secrétaire de la
Grande Loge Suisse Alpina. Parmi la délégation allemande, se trouvait Karl
Hoede, éminent professeur qui avait dû à une intervention personnelle d’Hitler,
au mois d’août 1942, d’obtenir l’autorisation de devenir membre du parti nazi,
quoique Franc-Maçon depuis 1920.[76]
Une
première série de trois entretiens se déroula en 1968 et 1969. Après la
première rencontre, Mgr de Toth demanda à Theodor Vogel de rédiger un mémorandum
destiné à être présenté au pape Paul VI, portant notamment sur les réactions
éventuelles des loges lorsque ces contacts seraient connus et demandant « s’ils seraient considérés favorablement par
la Mère-Loge de Londres ». Vogel se rendit en avril 1970 à Londres,
accompagné d’un ancien Grand Secrétaire de la Grande Loge Suisse Alpina, pour
renseigner les dignitaires anglais sur le déroulement des négociations. Ils lui
recommandèrent la plus grande discrétion, tout en approuvant l’action qu’il avait
entreprise. Le
5 juillet, la Déclaration dite de Lichtenau signée par neuf Maçons et trois
représentants de l’Église catholique fut remise en mains propres au cardinal
König. Cette Déclaration se terminait ainsi : Nous
pensons que les bulles papales concernant la Franc-Maçonnerie ne conservent
qu’une signification historique et qu’elles n’ont plus de place à notre époque.
En ce qui concerne les condamnations découlant du droit canon, nous pensons de
même qu’elles semblent incompatibles avec une Église qui enseigne d’aimer son
prochain selon la parole de Dieu. Trois
réunions eurent lieu en 1974 et 1975, sans Suisses ni Autrichiens. Confrontés
aux questions techniques de quatre théologiens auxquels ils avaient jugé bon de
soumettre leurs rituels, les Francs-Maçons allemands admirent leur incompétence
et demandèrent l’aide d’un théologien consultant. Les représentants de l’Église
catholique refusèrent en menaçant de ne plus assister aux réunions si les
Maçons insistaient.[77]
Les Allemands semblent avoir eu tort d’accepter cette situation au cours de
deux nouvelles réunions en 1978 et 1979. Le
résultat final fut celui que l’on sait. Une ultime réunion prévue au mois de
janvier 1980 fut annulée au dernier moment par l’Église. La Conférence
épiscopale allemande adopta le 1 avril 1980 une déclaration qui se terminait
par la formule lapidaire: « Il est
exclu de pouvoir appartenir simultanément à l’Église catholique et à la
Franc-Maçonnerie ».[78] \ Mesdames
et Messieurs, Permettez-moi
une remarque personnelle. J’ai été à onze ans arrêté par la Gestapo et interné.
J’ai choisi d’aller découvrir l’Allemagne peu après la fin de la guerre. J’y
habite depuis de nombreuses années. Depuis trente-cinq ans, j’ai appartenu
successivement à des obédiences maçonniques françaises, allemandes et suisse.
J’ai connu plusieurs acteurs des événements que je viens de tracer devant vous
et beaucoup d’autres dont je n’ai pas évoqué le nom ce soir. Tout cela créé des
liens, et je ne voudrais pas courir le risque de vous avoir transmis une image inexacte.
L’Allemagne
a été déchirée au cours du 20e siècle comme beaucoup de pays
européens à la même époque. Un choix a été fait, délibérément, par ceux qui ont
assumé la lourde tâche de réaliser l’unité de la Franc-Maçonnerie allemande
après 1945. L’accord secret d’alors, disant en quelque sorte qu’il convenait de
laisser les morts enterrer les morts, a traduit leur souci. Theodor Vogel et
August Pauls en ont tenu compte pour parvenir à cette unité qui leur tenait
tant à coeur. Ce
ne sont pas seulement de vieux souvenirs qui divisent les hommes, Maçons ou
non, mais aussi le tempérament et la géographie. L’homme de Lille ou de
Strasbourg ne ressemble guère au natif de Marseille. Même différence de l’autre
côté du Rhin entre les habitants de Hambourg et ceux du Palatinat. Les
Allemands du Nord respectent l’ordre, ils sont proches des Anglais et
s’expriment un peu comme eux. Ceux du Sud, peut-être moins disciplinés,
entretiennent des relations avec la France depuis des siècles, ce qui créé des
liens qui ne se laissent pas facilement trancher, même au prix de la régularité
maçonnique. Pour
tenter de vous rendre cette réalité sensible, je voudrais évoquer pour terminer
un document récent, rédigé il y a moins de quatre ans. Vous y percevrez le
drame de la Franc-Maçonnerie allemande de l’après-guerre, entre « le
sentiment et la raison ». ·
LA CIRCULAIRE
DE 1994 Pour
comprendre ce qui suit, vous devez savoir qu’en octobre 1970, les Grandes Loges
Provinciales Britannique et Américaine-Canadienne situées sur le sol allemand
étaient devenues membres des Grandes Loges Unies d'Allemagne et que la Magna Carta avait été modifiée pour leur
permettre d’obtenir chacune un siège au Sénat. A cette occasion, un siège fut
également accordé à la Grande Loge Aux Trois Globes. Le Sénat comprenait
désormais onze sièges au lieu de huit précédemment: cinq pour la GL AFAM, trois
pour la Grande Loge Nationale, et un pour chacun des nouveaux arrivants. Au cours d’une
réunion du Sénat des Grandes Loges Unies d’Allemagne, le 11 juin 1994, le
Grand Maître de la Grande Loge Nationale [FO] présenta la résolution suivante : [...] les quatre Grandes Loges soussignées,
membres des Grandes Loges Unies d'Allemagne, 1. La Grande Loge Nationale [FO] , 2. La Grande Mère Loge Nationale Aux Trois
Globes, 3. La Grande Loge Américaine-Canadienne, 4. La Grande Loge des Francs-Maçons
Britanniques en Allemagne, déclarent
conjointement qu'en égard à la menace constante que représentent la Grande Loge
AFuAMvD et certaines de ses loges pour la reconnaissance internationale des
Grandes Loges Unies d'Allemagne, elles ont l'intention, dans un délai aussi
bref que possible, de se concerter en vue de leur départ des Grandes Loges
Unies d'Allemagne, si la Grande Loge AFuAMvD, avant le 30 septembre 1994, ne
met pas de manière crédible et durable un terme à toute activité, ou à la
tolérance de toute activité, susceptible de mettre en péril cette
reconnaissance internationale [...].
Cette
résolution faisait allusion à des réunions de Maçons allemands avec des membres
d’obédiences françaises non reconnues. Elle amena le Grand Maître de la Grande
Loge AF&AM à adresser à ses loges une circulaire dont voici quelques
extraits: [...] Au cours des quelque cinquante
années de son existence, je ne connais pas de cas où la Grande Loge AFuAMvD ait
été soumise à une pression de ce genre. La Magna
Carta prévoit expressément la possibilité du départ d'une ou de plusieurs
de ses Grandes Loges membres. Dans un premier temps, le départ des quatre
Grandes Loges mentionnées ci-dessus ne signifierait pas automatiquement la fin
des Grandes Loges Unies d'Allemagne. Mais on peut envisager avec inquiétude la
possibilité que ces quatre Grandes Loges constituent immédiatement un nouvel
organisme au caractère de superstructure. Des exemples de ce genre se
rencontrent dans l'histoire récente. Il ne serait pas exclu qu'un tel organisme
parvienne à ce que la Grande Loge Unie d'Angleterre et, dans son sillage, la
grande majorité des Grandes Loges qu'elle reconnaît dans le monde, ne retire sa
reconnaissance aux Grandes Loges Unies d'Allemagne dont nous demeurerions alors
les seuls représentants, pour la reporter sur cet organisme nouveau. Des
exemples similaires se rencontrent également dans l'histoire récente. Une telle situation signifierait que la
Grande Loge AFuAMvD perdrait indirectement la reconnaissance de la plupart des
Grandes Loges du monde. Ce ne sont pas seulement les rapports maçonniques
internationaux qui deviendraient alors pratiquement impossibles pour nos loges
et leurs membres. Ne serait-ce que pour ne pas faire courir de risque à sa
propre reconnaissance, le nouvel organisme devrait interdire à ses membres tout
rapport avec les loges relevant de notre obédience. [...] La fondation des Grandes Loges Unies
d'Allemagne fut principalement le résultat d'efforts accomplis par des Frères
qui exerçaient des responsabilités dans notre Grande Loge. Ils tentèrent de
réaliser le rêve d'une Franc-Maçonnerie allemande unifiée de manière à peu près
acceptable. Le résultat n'est pas à l'abri de toute critique, mais il a du
moins permis à tous les Francs-Maçons allemands d'avoir entre eux, sans
restriction, des rapports maçonniques. Je suis convaincu que nous devons mettre
en oeuvre tout ce qui est possible pour maintenir les Grandes Loges Unies
d'Allemagne.[...] A mes yeux, la résolution met en jeu de
manière irresponsable l'existence des Grandes Loges Unies d'Allemagne et ce
dans le but, à l'importance en comparaison insignifiante, d'interdire de
manière effective les rapports maçonniques non autorisés, rapports dont
l'existence depuis des décennies n'a guère été mise en cause et dont l'origine
s'explique par des rapports humains remontant en partie à une époque à laquelle
les Grandes Loges Unies d'Allemagne n'existaient pas encore. [...] Je tiens à souligner que tant cette
résolution elle-même que ce qui en constitue la base, à savoir la rigoureuse
politique de démarcation de la Franc-Maçonnerie mondiale reconnue par la Grande
Loge Unie d'Angleterre, est incompatible avec ce qui pour moi constitue les fondements
de la Franc-Maçonnerie. Je continue à penser qu'il est quasiment impossible de
faire comprendre à un non-Maçon, au monde profane, ou à un jeune Frère aux
aspirations idéalistes, les raisons pour lesquelles une distinction doit être
faite entre Franc-Maçonnerie reconnue et non-reconnue. J'espère que viendra le
jour où la situation présente sera considérée dans le monde entier comme
insoutenable. [...] Ma charge m'oblige à agir en tant que
représentant d'un principe d'ordre auquel je ne me sens pas lié, alors que la
loi de notre époque consiste à surmonter ce qui sépare, à franchir les
frontières, et à jeter des ponts. Je n'ai néanmoins pas d'autre choix que celui
de consacrer toutes mes forces à conserver intacte l'oeuvre des Frères Vogel,
Pinkerneil et quelques autres. [...] N'oublions pas les mots de notre rituel
d'Apprenti : « Insensible au bruit du
monde, le Maçon poursuit son chemin, tranquille et sûr de lui, sans crainte
face aux dangers, avec des buts élevés devant les yeux. » [79] ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE Livres,
brochures et articles 250 Jahre Große National-Mutterloge "Zu den drei
Weltkugeln". 1990. Schriftleitung und Zusammenstellung Br. Werner Schwartz u. Br.
Reinhold Dosch. Annalen. 1980. Zusammengestellt von Dr.-Ing. Johann G. Müss.
Frankfurt am Main: Selbstverlag des Deutschen Obersten Rates der Freimaurer des
Alten und Angenommenen Schottischen Ritus. Awe, Erich. 1961. Was ist richtig und
brüderlich ? [B] Bernheim, Alain. 1984. 'Auszüge aus
den Nachforschungen über die Frühgeschichte des Alten und Angenommenen
Schottischen Ritus in Deutschland'. In Areopag
Excelsior Nachrichten 50: 5-25. Beyer, Dr. Bernhard. 1929. Unser
Verhältnis zur Freimaurerei der früheren Feindbundstaaten während des Krieges
und nach dem Friedenschlusse. Bayreuth: Druck von Emil Mühl. [B] Beyer, Dr. Bernhard. 1932. ‘Welche
Motive leiteten uns ?’. In Denkschrift
der Großloge "Zur Sonne" 1932:
15-28. Böttner, Friedrich John. 1962. Zersplitterung
und Einigung - 225 Jahre Geschichte der deutschen Freimaurer. Herausgegeben
von der Loge “Absalom zu den drei Nesseln” (Nr. 1) in Hamburg. Busold, Ernst-Adolf. 1961. ‘Musste
das sein ? So fragt der “Jüngere Br.”’. [B] Chevallier, Pierre.
1974-1975. Histoire de la Franc-Maçonnerie française. Paris: Fayard. Das Verhältnis der Großen Landesloge der Alten Freien und
Angenommenen Maurer von Deutschland zum Deutschen Obersten Rat des Alten und
Angenommenen Schottischen Ritus. [1961]. Herausgeber: Der Deutsche Oberste Rat der
Freimaurer des Alten und Angenommenen Schottischen Ritus. Frankfurt am Main,
Kleiner Hirschgraben 10-12. [B] Denkschrift der Großloge "Zur Sonne" über die
Wiederaufnahme der Beziehungen zur Großloge von England. Streng vertraulich !
Juni 1932. [B] Denslow, Ray V. & Dietz, Martin J. 1949. After Fifteen Years. Washington: The Masonic Service Association. -
[1950]. Nach fünfzehn Jahren. Deutsche
Übertragung nach dem Original. Mit Genehmigung des Herausgebers. [B] Freudenschuss, Werner. 1988. ‘Der
Wetzlarer Ring - Völkische Tendenzen in der deutschen Freimaurerei nach dem 1.
Weltkrieg’. In Quatuor Coronati
Jahrbuch 25: 9-23. Hörstmann, Walther. 1961. In eigener
Sache. [B] Howe, Ellic. 1982. ‘The Collapse
of Freemasonry in Nazi Germany 1933-5’. In AQC
95: 21-36. Im Ordensstammhause der Grossen Landesloge der Freimaurer
von Deutschland Deutsch-Christlichen Ordens. 1935. Grosse Landesloge, Berlin. Koner, Raoul. 1976. Ein
Freimaurerleben. Bielefeld. maçonnerie maçonneries. 1990.
Edité par Jacques Marx. Editions de l’Université de Bruxelles. Melzer, Ralf. 1998. Konflikt und Anpassung
- Freimaurerei in der Weimarer Republik und im "Dritten Reich".
Inauguraldissertation. Zum Erlangen des Grades eines Doktors der Philosophie. (Tapuscrit). Nefontaine, Luc.
1990. Église et Franc-maçonnerie. Paris: Éditions du Châlet. Neuberger, Helmut. 1980. Freimaurerei
und National Sozialismus. 2 vol. Bauhütten Verlag: Hamburg. Runkel, Ferdinand. 1932. Geschichte
der Freimaurerei in Deutschland. 3 vol. Berlin: Verlag von Reimar Hobbing. Steffens, Manfred. 1964. Freimaurerei
in Deutschland - Bilanz eines Vierteljahrtausends. Flensburg: Christian
Wolff Verlag. Stubbs, Sir James. 1985. Freemasonry
in My Life. London: Lewis Masonic. Verhandlungen der VGL mit der GLL 1954 / 1955. Zusammengestellt:
Frankfurt a. M., den 30.4.1955. Veyne, Paul. 1971
(1979). Comment on écrit l’histoire. Paris: Editions du Seuil. Wirth, Oswald. 1915. ‘Die Friedensbestrebungen der französischen
Freimaurer’. In Alpina 1915: 258-260. Revues et publications maçonniques
périodiques Alten Pflichten, Die. Zeitschrift der Symbolischen
Grossloge von Deutschland. Alpina.
Organe des loges
suisses. AQC - Ars Quatuor Coronatorum. Transactions of
the Quatuor Coronati Lodge N° 2076
(United Grand Lodge of England). Areopag Excelsior Nachrichten. Aréopage Excelsior. Bern
(Suisse). Auf der Warte. Freimaurer-Zeitung. Herausgeber und Schriftleiter: Eugen
W. Schmidt. Leipzig: Verlag: Bruno Zechel. [B] Bauhütte, Die. Zeitschrift für deutsche Freimaurer. Berlin:
Schriftleitung und Verlag v. Alfred Unger. [B] Blau Buch der Weltfreimaurerei, Das. Wien: Herausgeber Kurt Reichl. [B] Compte-Rendu de la
Quatrième Conférence Internationale des Suprêmes Conseils du 33e degré du Rite Ecossais Ancien Accepté.
Tenue à Paris du 29 avril au 4 mai 1929. Paris: Suprême Conseil de France. Compte-Rendu de la IXe Conférence Internationale des Suprêmes
Conseils du Rite Ecossais Ancien Accepté. Bruxelles (Belgique) du 19 au 22 juin
1967. Drei Ringe, Die. Bundesblatt der Grossloge Lessing zu
den drei Ringen i. d. tschechoslovakischen Republik. Schriftleitung K. Borda,
Reichenberg (Böhmen). [B] Leuchte, Die. Unabhängige kritische Monatsschrift. Herausgeber: Franz
Carl Endres, Küssnacht am Rigi (Schweiz). Stuttgart: Verlag Ernst Heinrich
Moritz (Inhaber Franz Mittelbach). [B] Eleusis. Organ des Deutschen Obersten Rates der Freimaurer des
Alten und Angenommenen Schottischen Ritus. Selbstverlag DOR/AASR. MZS - Mitteilungen der Grossloge “Zur Sonne”. Bayreuth. [B] Ordensblatt - Nouveau nom (depuis 1933) du Zirkelkorrespondenz der Grossen Landesloge der Freimaurer von
Deutschland. Schriftleitung: Oberstleutnant a. D. Kurt von Heeringen. QCB - Quatuor Coronati Jahrbuch. Publication annuelle de la
Forschungsloge Quatuor Coronati, Nr. 808 (V. G. L.). QA - Quellenkundliche Arbeit. Publications de la Forschungsloge und
Forschungsgesellschaft Quatuor Coronati e. V. Bayreuth. Renaissance
Traditionnelle. Bulletin
intérieur de l’Association Renaissance
Traditionnelle. Réservé aux membres de l’Ordre. B. P. 277. F 75160 Paris
Cedex 04. Wiener Freimaurer Zeitung. Herausgegeben von der Grossloge von
Wien. [B] NOTES [1] maçonnerie
maçonneries 1990: 61. Également in Nefontaine 1990: 101. [2] Chevallier 1974-1975: III. 302 [3] Veyne 1971 (1979): 125-128. [4] Cette loge prend l'année suivante le nouveau
nom de L'Amitié aux trois Colombes, puis celui de Royal York de l'Amitié (zur Freundschaft) après qu'elle ait
initié le prince Édouard Auguste, frère du roi d'Angleterre Georges III, le 27
juillet 1765. [5] Une neuvième obédience, la Chaîne Fraternelle
Allemande (Deutsche Bruderkette),
fondée à Leipzig en 1924, rejoignit le Deutscher
Grosslogenbund mais s'en retira en 1926. [6] La Grande Loge de France. fut fondée en 1894.
Lorsque le Grand Orient de France la reconnaît en février 1905, il compte 386
loges, la Grande Loge soixante-quinze.. [7] Oswald Wirth 1915: 259. [8] A ce Congrès de Genève devait naître le
Bureau International des Relations Maçonniques qui exista jusqu’en 1921,
lorsque fut fondé l’Association Maçonnique Internationale. [9] Dans le compte-rendu du Congrès Maçonnique
international de Bruxelles d’août 1904 qu’il écrit dans la Bauhütte, Kraft indique que le premier point de l’ordre du jour
était: ‘Nécessité de la connaissance de l’histoire de la Franc-Maçonnerie -
Quels sont les meilleurs moyens à employer pour la répandre chez les jeunes
Frères ?’. Kraft recevra le 33° et deviendra membre actif du Suprême Conseil
pour l’Allemagne le 6 septembre 1930. [10] ‘Une visite de la Maçonnerie anglaise aux
Maçons de Berlin’. In Alpina
1912: 74. [11] ‘Rede des englischen Pro-Grossmeister Br. Lord Ampthill’- In Alpina 1912: 190-1. Lord
Ampthill se rendra de nouveau à Berlin en mai 1913, une délégation de trente
Frères allemands vient à Londres, le 8 mai 1914. [12] L’oeuvre monumentale de Begemann ne sera jamais
publiée. (cf. AQC 1915. 28:2). [13] Beyer 1929: 7. [14] « Diese 99 Prozent aller, die sich auf der
Erde Frmrr. nennen, werden immer unsere Erzfeinde bleiben ». Cité in Die Leuchte 1930, n° 12: 180. Steffens
1964: 529. [15] Article repris à Paris par Le Temps au mois d’avril et cité in Alpina 1921: 77. [16] Déclaration du 22
mai 1922 in Runkel 1932: III. 426-30. [17] Freudenschuss
1988: 10. [18] Neuberger 1980:
I. 249 [19] Beyer in MZS 1925-1926: 59-64. [20] Freudenschuss
1988: 15 [21] Zirkelkorrespondenz 1926: 245, cité in Im Ordensstammhause... 1935:
8-9. [22] En 1930, la Grande Loge de Bayreuth reprendra
la Bible tout en autorisant qu’un Livre Blanc soit placé à côté. [23] Beyer
1929: 5. [24] Compte-Rendu 1929: 35 et 37. [25] Melzer 1998: 296. [26] Aux élections du 20 mai 1928, le parti n'avait
obtenu que 810.000 voix sur 31 millions de votants, [27] Steffens 1964: 367. [28] Rosenberg était rédacteur en chef du Völkischer Beobachter, organe du parti
nazi. [29] Beyer 1932: 17. [30] Beyer 1932: 19. [31] Melzer 1998: 109 et 221. [32] Beyer 1932: 22-23. [33] Beyer 1932: 25. [34] Texte du télégramme de la Grande Loge de Saxe
in Neuberger 1980: II. 246. Texte de ceux des trois Grandes Loges de Prusse in Die Drei Ringe avril 1933: 96 et Blau Buch 1934: 77-78. La réponse
d'Hitler fut publiée dans l'Ordensblatt
de la Grande Loge Nationale de mai 1933: 157 (citée in Melzer 1998: 353 note
118). [35] Koner fut arrêté le 28 août, Müffelmann le 5
septembre, Bensch probablement entre ces deux dates. [36] J’ai retrouvé ce document dans les archives du
Suprême Conseil où il semble y avoir été oublié. Malgré la publication que j’en
effectuai (Bernheim 1984: 21) le Suprême Conseil, jusqu’à ce jour, a refusé
d’inclure le nom de Müffelmann dans la liste de ses Grands Commandeurs. [37] Neuberger 1980: II. 294. [38] Blau Buch der Weltfreimaurerei 1934: 85
- Hörstmann 1961: 20, Anlage D -
Neuberger 1980: II. 305 - Ellic Howe
1982: 31 - Melzer 1998: 159, 180 [39] Neuberger 1980: II. 311. [40] Blau Buch der Weltfreimaurerei 1934: 86. [41] Melzer 1998: 162. [42] Ceux de l’ancienne Grande Loge Nationale
furent publiés en 1933 par le Wiener
Freimaurer Zeitung. Des extraits de ceux de l’ancienne Grande Loge Aux
Trois Globes furent publiés non sans courage en 1990 par cette obédience
lorsqu’elle publia sa propre histoire (250
Jahre...: 57-59). [43] Une amorce de Grande Loge se forme à Bensheim,
petite ville au sud de Francfort, en novembre. Elle survivra mal à la mort de
son fondateur, Fritz Lichtenberg, le 24 mars, et se transformera en Grande Loge
du Würtemberg. Cependant elle organisera une réunion à Stuttgart en juin 1946
au cours de laquelle Beyer déclare qu'il ne faut pas renouer avec les trois
Grandes Loges de Prusse avant qu'elles n’aient reconnu leurs torts.[43]
En zone d’occupation britannique, des membres de ces Grandes Loges se réunissent
à Herford au mois de novembre 1946. [44] August Pauls (1873-1956) était devenu Maçon en
1901 dans une loge d’Aix-la-Chapelle relevant des Trois Globes. Il habita
Magdebourg de 1904 à 1945. [45] Steffens 1964:
537. [46] Böttner 1962:
214. [47] Denslow &
Dietz 1949: 19 - Böttner 1962: 219 - Steffens 1964: 539 - Melzer 1998: 301. [48] Quatre-vingt-une proviennent des Grandes Loges
de Prusse (quarante-deux des Trois Globes, trente-cinq de Royal York, quatre de
la Grande Loge Nationale), soixante-dix-sept loges des Grandes Loges de
Bayreuth (trente-quatre), de Hambourg (dix-huit), de Francfort (quatorze), de
Darmstadt (sept) et de Dresde (quatre). Six loges relevaient d'obédiences
considérées avant la guerre comme irrégulières (cinq de la Grande Loge
Symbolique, une du Soleil Levant). Les dix dernières ont été créées depuis
1945. [49] L’Orateur du jour est le Dr Ernst Horneffer
(1871-1954), philosophe et élève de Nietzsche, sur lequel la presse maçonnique
d’après-guerre se répand en éloges (voir sa nécrologie in Eleusis 1954: 139-143, et l’article que lui consacre le futur Grand
Maître, le Dr Klaus Horneffer, in Eleusis
1968: 226-239). Il faut se reporter à un article paru à Leipzig (Auf der Warte, 16 janvier 1931) pour
apprendre que ce Franc-Maçon s’élevait alors publiquement avec la dernière
énergie contre la journée de travail de huit heures, l’assurance-maladie, la
nourriture distribuée aux enfants dans les écoles et l’assurance-chômage. [50] Déclaration du Grand Maître Vogel au Grand
Maître Viaud qui la rapporta à l’auteur. [51] Le procès-verbal
(Verhandlungen... 1955) de cette
réunion contient des éléments surprenants dont certains portent sur les
déclarations que les représentants de la Grande Loge Nationale avaient faites à
Londres au mois de février précédent. Ils nient avoir désavoué certaines
actions du Grand Maître von Heeringen en 1933-1935 en affirmant que le
procès-verbal de Londres ou sa traduction en allemand sont inexacts. Ils
réaffirment que leur Grande Loge n’accepte que des chrétiens. Ils reconnaissent
avoir déclaré à Londres « qu’ils
avaient eu davantage à souffrir sous Hitler que peut-être certains Juifs »
et lorsque les représentants de la Grande Loge Unie d’Allemagne leur demandent
s’ils pensent que cette déclaration devrait être portée à la connaissance des
Frères Juifs de la Grande Loge Unie d’Allemagne à New York ou en Israël, leur
réponse est qu’au cas où leurs interlocuteurs seraient d’avis que ces mots
pourraient être mal interprétés, ils réfléchiront à l’opportunité de faire une
déclaration supplémentaire à cet égard. Les représentants de la Grande Loge
Nationale réaffirment que leurs déclarations au parti nazi avaient pu laisser
croire qu’ils étaient contre les relations maçonniques internationales, mais
qu’elles n’avaient été qu’un camouflage (Tarnung).
Dans la Déclaration Générale qui leur
est soumise et qu’ils n’accepteront de signer le 9 janvier 1955 qu’après en
avoir singulièrement modifié les termes, ces déclarations seront dites avoir
été faites « à l’époque de la
persécution politique de la Franc-Maçonnerie allemande ». [52] La situation devient inextricable à la suite
de l'adhésion de la Grande Loge Nationale,
le 10 septembre 1956, au Traité d'amitié existant entre les Grandes Loges de
Suède, du Danemark, d'Islande et de Norvège, en vertu duquel elle ne peut
désormais conclure d'accord international sans l'approbation de ses
partenaires. [53] Le Grand
Secrétaire, Sir James Stubbs, l’évoque ainsi dans ses souvenir:« The raison d’être of the conference in the summer of 1957 was to bring the hostile sects
together, if by no other means than telling their leaders that there was not
going to be full recognition of German Masonry till that happened. » (Stubbs
1985: 85). [54] La première ébauche de la Magna Carta remontait au mois de juillet 1955. En 1959, la Grande
Loge Aux Trois Globes sera acceptée au sein des Grandes Loges Unies
d’Allemagne, mais sans siège au Sénat. [55] VGL
pour Vereinigte Grosslogen von
Deutschland, la lettre "n"
ajoutée à la fin du mot Grossloge marquant
le pluriel. La Vereinigte
Grossloge de 1949 sera renommée Grosse
Landesloge der Alten Freien und
Angenommenen Maurer von Deutschland (Grande
Loge Nationale-AFuAMvD). La Grande
Loge Nationale ajoutera à son titre les deux mots Freimaurerischer Orden, c'est-à-dire Ordre Maçonnique. Ces deux
Grandes Loges sont généralement désignées dans le langage courant par les
abréviations AFAM et FO. [56] « The next we heard of their relations was the
publication of a tortuous document entitled ‘Magna Carta’, which was designed, if all parties could
be got to accept it, to produce a kind of super Grand Lodge, or more
realistically an umbrella under which they could all shelter without loss of
independence. This statement of intent sufficiently ressembled the general
concept of a Grand Lodge for it to receive the recognition of the Masonic world
generally under the title of United Grand Lodges (NB the plural) of
Germany » (Stubbs 1985: 85). [57] La Convention de Luxembourg, signée le 15 mai
1954, réunissait à l’origine cinq obédiences européennes: la Grande Loge Unie
d’Allemagne, la Grande Loge de Vienne (Autriche), la Grande Loge du Luxembourg,
la Grande Loge Suisse Alpina et le Grand Orient des Pays-Bas. La Grande Loge de
France y fut admise le 8 septembre 1956. Des négociations franco-françaises
entamées en 1955 en vue d'une fusion entre la Grande Loge de France et la
Grande Loge Nationale Française, échouèrent après que la Grande Loge de France
ait décidé sur proposition de son Conseil Fédéral de retirer ce projet de
fusion de l'ordre du jour de son convent, le 14 janvier 1956. Deux réunions de
la Convention de Luxembourg avec des représentants des Grands Orient de France
et de Belgique se soldèrent par un échec à Bruxelles, le 11 octobre 1958. Des
conversations tripartites s’engagèrent alors entre la Grande Loge Nationale
Française, le Grand Orient et la Grande Loge de France du 6 février au 16 juin
1959 dans le but de fonder une Confédération Maçonnique Française. Elles se
terminèrent également par un échec dont l'une des conséquences fut la décision
prise par le convent de la Grande Loge de France, le 18 septembre 1959, de
suspendre ses rapports avec le Grand Orient de France. Ces rapports, repris
cinq ans plus tard, aboutirent à la signature d'un Traité d'Alliance
Fraternelle, ratifié par les convents des deux obédiences au mois de septembre
1964. Des réunions officieuses franco-françaises élargies devaient avoir lieu
une quinzaine d'années plus tard sans amener de résultat concret. En
arrière-plan d'un projet de confédération maçonnique européenne, caressé en
1988 par la Grande Loge de France, celle-ci tenta de reprendre ses relations
avec la Grande Loge allemande AFuAM
au printemps 1989. Cette tentative se termina l'année suivante à la suite d'un
avertissement (warning letter) de la
Grande Loge Unie d'Angleterre. [58] Un Livre
Blanc contenant la version originale de plusieurs lettres et du
compte-rendu de cette conférence fut publié en 1960 par le Grand Orient des
Pays-Bas. Il fut publié en français avec quelques regrettables erreurs de
traduction dans Documents Maçonniques,
supplément au Bulletin N° 24
(novembre-décembre 1960) du Grand Orient de France et dans le Bulletin N° 3 du Grand Orient de
Belgique en 1967. Raoul Koner en publia une traduction allemande en annexe à
ses Mémoires, Ein Freimaurerleben, en
1976. [59] Pauls avait reçu le 30° à Berlin le 18 avril
1930, le jour de l’installation du Suprême Conseil. Passé ensuite à la
juridiction autrichienne, il avait reçu le 33° le 21 novembre 1932 à Vienne. [60] Reconnaissance par la Juridiction Sud des
États-Unis, le 18 octobre 1951, par le Suprême Conseil de France, le 8 octobre
1954. [61] Extrait du procès-verbal de la Conférence au
cours de laquelle Pauls fit la connaissance de l’ancien Grand Commandeur Reber
qui vivait en Suisse. [62] Les Annalen
indiquent qu’Hörstmann avait été installé Président de l’atelier du 30° de
Hanovre par le Grand Commandeur Pauls au mois de mai 1954 et qu’il était membre
du Suprême Conseil en 1957 sans préciser quand il y fut coopté. [63] Das
Verhältnis... 1961: 8-9. [64] Né en 1893, Schalscha était devenu Maçon à
Breslau le 21 juin 1928. Il émigra en Angleterre en janvier 1936. retourna en
Allemagne en 1948 et fut nommé juge à la Cour Fédérale de Karlsruhe en 1953. [65] Das Verhältnis... 1961: 8-11. [66] Hörstmann 1961. [67] Hörstmann 1961:
13-14. [68] «... die 1946 getroffene Vereinbarung, die
Vorgänge in der Deutschen Freimaurerei in den Jahren 1920 bis 1935 der
Vergessenheit anheim zu geben und darüber zu schweigen... » (Das Verhältnis... 1961: 12). [69] cf. Awe 1961: 24
& 33. L’année de l’accord est indiquée comme 1947 in Busold 1961:
3. [70] Steffens 1964. La première étude sérieuse sur
les rapports entre la Maçonnerie allemande et le nazisme a été la thèse de
doctorat de Neuberger en 1980. [71] Compte-Rendu de la IXe Conférence Internationale. 1967
- Annalen 1980: 72-73. [72] Voir les Annalen
établies par J. G: Müss, 33°, publiées en 1980. Le Grand Commandeur Schalscha
avait eu pour successeurs Udo Sonanini, élu en 1969, puis un jeune architecte
de quarante-sept ans, Heinz Lott, élu en 1972. En 1978, le Dr. Kurt Hendrikson
fut élu Grand Commandeur. Les dossiers aux Bundesarchiv,
Berlin-Lichterfelde (ancien Berlin
Document Center) indiquent qu’il avait demandé à devenir membre du parti
nazi le 31 octobre 1940 et y avait été admis le 1 janvier 1941 avec le numéro 8
289 368, et que le Prof. Dr. Herbert Kessler, élu son successeur en 1984, était
devenu membre du parti le 1 mai 1941 avec le numéro 8 934 793. [73] En 1998, les Grandes Loges Unies d’Allemagne
comprenaient 462 loges. Au sein du Sénat qui comporte désormais onze
représentants, la Grande Loge AFuAM en a cinq pour 269 loges, la
Grande Loge Nationale-FO trois pour 99 loges, les Trois Globes un pour 44
loges, la Grande Loge Américaine-Canadienne un pour 36 loges et la Grande Loge
des Francs-Maçons Britanniques un pour 14 loges. Les décisions du Sénat sont
prises à la majorité des 4/5èmes, sauf si l'une des Grandes Loges n'est pas
représentée à l'une de ses sessions, éventualité dans laquelle l'unanimité est
requise. [74] Ce paragraphe est basé sur les documents
réunis in Quellenkundliche Arbeit N°
9 (1976) et N° 14 (1980). [75] Quellenkundliche Arbeit N° 9: 22. [76] Melzer 1998: 282. [77] Quellenkundliche Arbeit N° 14:5. [78] Voir in Renaissance
Traditionnelle 73-74 (1988): 194-196, la réaction de René Guilly à cette
Déclaration. [79] La circulaire de juillet 1994 était signée
Klaus Horneffer, Grand Maître. Au nom du comité de la Grande Loge: Jens
Oberheide, Axel Pohlmann, Werner Vögele, Hans-Joachim Jung, Herbert Bock. |